Association Internationale des Libraires Francophones

AgnsAgnès, ton mandat de Secrétaire générale de l'AILF s’est récemment achevé , tu tournes donc une page importante pour toi et l’association :quels sentiments et réflexions t’animent ?

C’est certes une étape dans une évolution mais absolument pas une page tournée dans mon cœur. Car je resterai à tout jamais une libraire francophone au fond de moi. J’ai commencé en étant libraire itinérante à une époque où ce n’était pas à la mode, dans un pays qui n’était pas francophone. Cela signifie qu’en mon for intérieur, il y avait des convictions puissantes qui motivaient mon action. Il en a toujours été de même pour mon rôle dans l’AILF. J’ai participé à sa réflexion, à sa création, à son développement, à ses orientations, et tout cela je l’ai mené avec mon cœur. C’est probablement aussi pour cela que je m’y suis tant investie, certains libraires le savent. D’ailleurs, je reste persuadée que cela se voit. Lorsqu’on est « habité » par une mission, il y a une énergie forte qui se transmet, une passion qui s’exprime, chacun à sa manière. Cela ne s’arrête pas du jour au lendemain car on quitte un conseil d’administration.

J’ai le sentiment personnel d’avoir fait du bon travail, d’avoir apporté ma pierre à l’édifice et d’avoir donné aux autres autant que je pouvais. J’ai été authentique, j’ai souvent pris très clairement position car cela faisait partie de mon engagement avec un besoin essentiel de cohérence.

C’est très enthousiasmant de voir ce que l’AILF est devenue car c’est la force de nos réflexions collectives et de notre travail à tous.


Si on remonte à l’origine de l’association, tu avais dès 2000 participé à l’opération des 100 libraires du monde, qui avait donné pour la première fois un coup de projecteur sur les libraires francophones dans le monde, quels souvenirs cet évènement fondateur t’évoque t-il ?

Les 100 libraires du monde (et nous étions largement plus de 100) ont, à mon sens, été le moment fondateur durant lequel l’idée de l’AILF a commencé à émerger. Car nous nous sommes retrouvés, exerçant le même métier aux quatre coins du monde, partageant des contraintes qui rythmaient notre quotidien (instabilité politique, censure, fluctuation du taux de change, chereté du livre français, insécurité, absence de politique publique en faveur de la lecture, …). Tout cela nous le connaissions par cœur. Nous le vivions. Nous le racontions avec nos mots, avec nos réalités, avec nos anecdotes. Or être plus de 100 libraires du monde à dire plus ou moins la même chose a eu un effet de caisse de résonnance. Ce n’était plus la librairie X ou la librairie Y qui faisait ce constat, c’était une profession (libraire francophones du monde) dans son entier, qui commençait sans s’en rendre compte, à parler d’une seule et même voix..

Pour moi, c’était aussi un sentiment magique, celui de ne plus me sentir seule en Egypte face à mes problèmes. L’AILF n’existait pas encore mais j’avais pris conscience que d’autres libraires partageaient des situations similaires ou presque à la mienne. Même si cela n’a rien changé dans l’immédiat, personnellement cela a fait naître en moi un sentiment d’appartenance à une grande famille. Il n’y avait rien de concret mais c’était un vécu très émotionnel.

France Edition qui deviendra le BIEF avait réussi, par cette opération, comme un coup de baguette magique qui allait marquer un moment fort pour la suite. J’ai un grand attachement au BIEF, beaucoup le savent. Peut-être vient-il de là ? Je n’en sais rien. Ou peut-être étaient ce aussi les premières personnes qui s’intéressaient aux libraires francophones pour ce qu’ils étaient, ce qu’ils représentaient, ce qu’ils défendaient, ce qu’ils faisaient vivre ailleurs sans essayer de leur dire ce qu’ils doivent faire mais plutôt en leur accordant une écoute pleine d’attention. Cela peut vous faire sourire de lire ces mots mais à l’époque, en l’an 2000, c’était énorme et je suis persuadée que je n’étais pas la seule à le penser.

Parmi les moments les plus importants que tu as vécus au sein de l’association, lesquels t’ont marquée le plus durablement et pourquoi ?

Oh la la ce n’est pas facile comme question car il y en a eu beaucoup. Je ne suis pas quelqu’un de politique qui va avoir une réponse factuelle. Mais je suis quelqu’un d’engagée, qui vit pleinement ce qu’elle fait. Donc ma réponse va être du vécu. Les moments les plus forts pour moi sont ceux où j’ai dû me dépasser pour créer quelque chose d’unique au service des autres. Je m’explique. La première fois que je suis allée à Madagascar, c’était je crois en 2005. Le CA de l’AILF m’avait dit « Agnès veux-tu t’occuper de la zone océan Indien ». Oui pourquoi pas ? Je n’y avais jamais mis les pieds. J’y suis allée pour animer une formation. Certains libraires s’en rappellent. Et je me suis dit « OK c’est ta responsabilité de tout mettre en œuvre pour apporter le plus possible à ces libraires qui te font confiance ». Et pendant près de 15 ans, cela a guidé toutes mes paroles et mes actions. Et je vous assure qu’il n’y a pas eu un seul bureau de l’AILF où je n’ai pas évoqué l’océan Indien, ni une seule année où je n’ai pas présenté un projet. Cette région me tenait très à cœur et je suis tellement heureuse qu’une libraire de la zone, Voahirana Ramalanjaona, ait repris le flambeau avec le même engagement et la même volonté de mettre en place des projets.
Autre expérience marquante, j’ai accompagné une libraire à Djibouti, Arafo Saleh, et là aussi cela a été un moment dense car il s’agissait de travailler sur l’extension de sa librairie qu’elle a ensuite menée à bien. Et nous avons en quelques jours, passer tous les aspects de son activité en revue.
Les Assemblées générales de l’association ont été des temps forts pour moi car les libraires adhérents sont présents et finalement en tant que bénévoles, on travaille toute l’année en ne pensant qu’à eux et à ce que l’AILF va pouvoir leur apporter par rapport à leurs besoins.
Pour moi un moment fort est un moment d’engagement dans l’action au service des autres. Par exemple, lorsqu’Audrey Azoulay, alors ministre de la Culture, est venue rencontrer les libraires égyptiens dans ma librairie, la chose la plus importante pour moi et que j’avais soigneusement préparée, c’était que j’allais pendant 15 mn non stop lui parler de l’AILF et l’interpeler sur la situation des libraires francophones. Et cela a porté ses fruits. J’ai une nature d’entrepreneur et j’ai besoin d’efficacité mesurable pour me sentir utile.
Pendant la révolution égyptienne et ensuite, j’ai eu le sentiment très réconfortant d’être entendue et soutenue par mes pairs. Cela faisait du bien de sentir l’AILF et son réseau un peu partout dans le monde, penser à moi et me le dire.

Finalement, lorsque je repense à toutes ces années au sein de l’AILF, ce sont des visages, des sourires, des phrases qui défilent dans ma mémoire et des personnes qui sont au fil des années devenues des ami(e)s. Ce ne sont pas des évènements mais ce sont des sentiments et des moments d’engagement, d’authenticité, de responsabilité, de cohérence, de partage, de générosité, de découverte, d’écoute, de projection, d’imagination, de conviction qui sont ancrés dans ma mémoire.

Pourrais-tu revenir sur ton parcours professionnel de libraire ?

En 1993, mon mari et moi sommes partis vivre en Egypte car on avait envie de quitter Paris et je connaissais déjà bien ce pays. Je travaillais alors dans l’édition. Un jour, j’ai réalisé qu’il y avait peu de livres jeunesse et qu’ils étaient trop chers. Alors j’ai créé une librairie itinérante jeunesse qui allait d’écoles en centres culturels en faisant découvrir des livres jeunesse, en organisant des animations, en me mettant à la portée des enfants et des parents dans leur environnement et en essayant de susciter le goût de la lecture. Puis j’ai développé en complément des abonnements livres et magazines jeunesse pour ancrer ces habitudes de lecture chez les enfants. J’étais portée par mon enthousiasme et le plaisir de créer quelque chose qui n’existait pas. Cette dernière notion a toujours été le moteur de mes projets. Puis en 2002, j’ai créé une librairie à Alexandrie, dans l’enceinte de l’Institut français : L’Autre Rive. C’était la seule dans cette ville qui avait pourtant été un haut-lieu de francophonie. Pendant 10 ans, cette librairie a eu un rôle essentiel dans la cité et on me dit encore aujourd’hui à quel point elle manque à certains. En 2004, j’ai créé, au Caire, avec mon mari, un concept store atypique, Oum EL Dounia. C’était une librairie dynamique spécialisée sur le monde arabe et une boutique d’artisanat réunies dans un même lieu. Moi je m’occupais de la librairie, de l’animation culturelle, de la communication et mon époux gérait tout l’artisanat. L’idée a de suite séduit les gens sur place et Oum El Dounia est rapidement devenu un lieu culturel très identifié et une référence localement. Mais nous étions en bordure de la place Tahrir et la révolution de 2011 a éclaté sous nos fenêtres. Trois années de violences, manifestations, répression, ont créé une usure et plus personne n’avait envie de venir dans ce quartier qui était le cœur de la ville. Puis une violente dévaluation a continué à affecter notre activité. Des années terriblement difficiles à vivre pour moi, où j’ai essayé de sauver par tous les moyens cette activité que j’avais créée et dans laquelle s’exprimait tant de passion.

Que retires-tu de ta longue expérience associative et interculturelle au service des libraires du monde au sein de l’AILF ?

Avant toute chose, beaucoup de plaisir. C’est très personnel mais l’AILF m’a permis après coup, de réaliser que c’est dans l’engagement au service des autres que je trouve le plus de sens. Beaucoup d’amitié aussi car c’est ce lien fort entre nous qui a aidé à surmonter nos éventuelles divergences et à co-construire ce qu’est devenue cette association. La notion de collectif a été très forte et omniprésente. L’interculturalité a été une richesse qui m’a beaucoup apportée car chacun voit une situation en fonction de son histoire et de son contexte. Elle a aussi été un espace de découvertes enrichissant et de rires partagés dans tant de réunions. Interpeler des regards différents en se questionnant soi-même est une manière d’avancer et d’élargir ses propres horizons. Et ce que je trouve formidable, c’est que nous nous sommes tant apporté les uns aux autres.

J’ai pris conscience que, dans ce collectif, nous fonctionnons tous différemment. Mais que pour que notre engagement s’exprime pleinement, il fallait qu’il y ait une notion de responsabilisation de chacun. Quelle qu’en soit la forme. J’ai réalisé que c’est en mettant chaque administrateur dans l’action par rapport aux objectifs et au rayonnement de l’association qu’on arrivera à mener de plus en plus de projets pertinents et qu’on pourra renforcer la raison d’être de l’AILF. Et ce partout dans le monde, car chaque adhérent porte en lui un peu de l’AILF. Et notre rôle a été d’essayer d’être moteur, d’initier, de lancer, d’accompagner. La Caravane du livre et de la lecture en est une parfaite illustration.

Mais … car il y a un mais ! J’ai aussi pris conscience du décalage entre ce qui se dit dans les discours et la réalité du terrain. J’ai assisté à pas mal de rencontres, de rendez-vous, de conférences et parfois, je n’ai pu m’empêcher à la fin de me dire à moi-même « Oui et concrètement ? Et bien concrètement pas grand-chose ». Peut-être suis-je trop pragmatique. C’est possible. Mais je mettrais deux éléments en exergue que j’aurai vu évoluer au fil de toutes ces années. Il est fondamental que les organismes qui nous soutiennent, qui nous financent, continuent à permettre à tous ces projets d’exister. Il faut qu’ils réalisent qu’il y a une structure administrative et organisationnelle derrière tout cela qui est fondamentale et sans laquelle rien ne pourrait exister. Je voudrais en profiter pour rendre un grand hommage et dire un grand merci à Anne-Lise Schmitt qui coordonne ce réseau de l’AILF et en pilote les projets avec un grand engagement très sincère.
Et il serait temps qu’une cohérence émerge au niveau français, quant au soutien qu’on souhaite apporter aux libraires francophones à l’étranger, une sorte d’harmonisation des politiques et des pratiques entre ministères. Depuis 2002, j’ai vécu, vu et entendu beaucoup de choses. Je dirai même tout et son contraire, dans certains cas. Et c’est là qu’est nécessaire cette cohérence, celle qui donne du sens et permet une lisibilité des politiques publiques. Il est essentiel de revenir à ce qu’est un libraire francophone : un commerçant certes mais aussi un acteur culturel, un passeur d’idées qui participe à la diffusion de cultures, un acteur du commerce extérieur, certes à petite échelle mais d’une dimension hautement symbolique, un partenaire fidèle de l’éducation, un défenseur de la francophonie.

D’après ton expérience au sein de l’association, à quels enjeux sont confrontés les libraires francophones dans le monde, aujourd’hui ?

Il y en a plusieurs à mon sens.

Le premier est que les librairies doivent toujours être en mouvement : créer de la nouveauté, surprendre, communiquer, bouger, aller là où on ne les attend pas forcément, susciter la curiosité, tisser des liens, créer de l’émotion entre leurs clients et eux pour renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté et l’attachement des clients à leur librairie. Ca c’est déjà un très vaste programme qui englobe beaucoup d’aspects dont la capacité du libraire à rayonner comme un acteur culturel dans son environnement.

Le deuxième, qui est étroitement lié au précédent, est la capacité des libraires à s’adapter à un monde qui change très vite, à des lecteurs parfois volatiles, à une offre qui se démultiplie en termes de supports et de canaux de diffusion, à internet qui fait exploser les frontières,et bien sûr à la concurrence des géants de la vente en ligne qui ont des moyens que les libraires n’ont pas.

Le troisième qui découle également du premier est la capacité que déploie chaque libraire à essayer de faire comprendre, reconnaître, partager à quel point son rôle est essentiel, avec à la clé, une prise de conscience de la valeur ajoutée d’une librairie par rapport à d’autres formes de commerce du livre.

Enfin, un enjeu de résistance vital à tous les éléments ce qui le déstabilisent (la liste est longue).

Car le libraire où qu’il soit dans le monde offre une vitrine de l’édition francophone, c’est un passeur de la culture francophone, il anime un lieu où aiment à se retrouver les francophones et donc où l’on parle français, un territoire d’échanges et d’ouverture, un espace de liberté à l’image de la littérature qui continue chaque jour à élargir nos horizons.

Propos recueillis en juin 2021


Membre fondateur de l’AILF, Philippe Goffe en a été le premier président, de 2002 à 2005, fonction qu’il a également occupée de 2016 au mois d'avril 2021. Dans cet entretien, il évoque la force de l'AILF, qu'elle tire à la fois de sa dimension réellement internationale, de la pluralité de ses acteurs et de la force et l'engagement de son Conseil d'administration et son bureau. Il rappelle combien le métier de libraire, fragile mais essentiel, est aussi politique car s'il est le reflet de la société où il s’exerce, il en est aussi un des acteurs. Il rappelle aussi qu'en dépit des efforts, le réseau des libraires francophones ne bénéficie pas d’une juste appréciation par les fournisseurs, des réalités du terrain et des politiques à mener pour permettre à ces librairies du monde de vivre. Pourtant un changement majeur s'est opéré à ses yeux au fil des années : la prise en main de leur destin par les libraires eux-mêmes. L'AILF donne aujourdhui un réel statut aux libraires francophones dans le monde.

P1010716 1Philippe, tu viens de tourner une page importante pour toi et l’association, quels sont les premiers sentiments et réflexions qui te viennent à l’esprit ?


Une grande sérénité. Je craignais d’avoir le blues (ça viendra peut-être), après 20 années d’AILF, dont j’ai été le premier président, puis le vice-président d’Agnès Adjaho et de Michel Choueiri, et enfin en 2016, à la fin du mandat de Sylviane Friederich, à nouveau président pour ce qui devait être une transition qui finalement aura duré cinq ans.  Une grande sérénité aussi en sachant que l’association reste en de si bonnes mains. Tout va bien donc, je me dis que ce qui pouvait être fait, a été fait. Qu’il ne faut pas aller au-delà de ses capacités et de l’usure du temps. Et ceci : quitter, c’est s’alléger.

En tant que membre fondateur de l’AILF, pourrais-tu évoquer quelques grands moments que tu as vécus au sein de l’association ?


Il y a tant de beaux moments. On a bien sûr des étapes importantes à souligner, comme l’initiative de la Caravane du livre et de la lecture en Afrique depuis 2004, et qui reste une des actions emblématiques de l’AILF, hélas aujourd’hui mise en difficulté par la situation géopolitique de la région.Il faut savoir que pendant longtemps la Caravane a été une des principales activités d’importance sur le livre en Afrique subsaharienne. On en est très fiers.

Il y eut aussi le travail de rédaction de la charte du libraire francophone, et son lancement à Beyrouth en 2008.

Il y eut les rencontres interprofessionnelles à l’Assemblée nationale à Paris en 2015. Il y eut celles de Dakar en 2014, d’Abidjan en 2017, de Montreuil en 2019. Et bien d’autres, sur tous les continents.

Ces rencontres et ce qu’elles ont signifié, le décloisonnement de nos pensées, le regard des autres acteurs du livre, y compris dans l’univers non marchand, l’importance soulignée de l’accès pour tous au livre et à la lecture, la découverte et la nécessité du travail collectif avec ces autres acteurs, tous ceux qui finalement, d’une manière ou d’une autre, interviennent dans une filière qui est beaucoup plus riche qu’on ne le pense.

C’est sans doute un des aspects les plus féconds et les plus intéressants du travail réalisé par l’AILF tout au long de ces années, et dans lequel Anne-Lise Schmitt notre déléguée générale a joué un rôle central.


A titre personnel, l’AILF a transformé ma vie. Si je m’y suis impliqué si fort, ce n’est bien sûr pas tout à fait par hasard. L’AILF m’a apporté certains de mes amis les plus chers. J’ai eu la chance de me rendre sur tous les continents et d’y rencontrer les libraires. Ce fut à chaque fois, à ma modeste mesure, et à charge pour moi de la franchir, une porte ouverte sur des ailleurs. L’Afrique d’abord, à laquelle je suis profondément attaché par mon histoire, mais aussi le monde arabe dont j’ai découvert la diversité et la profondeur humaine ; l’Asie, que je n’ai fait qu’effleurer mais qui m’a fasciné ; l’Amérique latine qui m’a appris qu’il existe d’autres paradigmes pour comprendre le monde, et notamment que beaucoup des notions qui nous font penser ce monde méritent une autre perspective. Dans tout cela, la parole de Felwine Sarr, intellectuel sénégalais mais en fait universel, résonne lorsqu’il dit que « ce monde sera différent si nous en modifions la représentation ».

Quels enseignements retires-tu de ton implication en tant que président de l’AILF ?


C’est la dissémination de ses membres sur toute la planète qui fait la particularité de l’AILF, avec l’évidente difficulté à les faire se rencontrer. Et notamment les membres d’un conseil d’administration qui a l’ambition de représenter toutes les régions du monde, mais qui sont éloignés les uns des autres, et n’ont pas la même possibilité d’une maîtrise des rapports avec les institutionnels ou les éditeurs français par exemple. C’est une attention envers chacun qu’il faut respecter, et là aussi c’est à la fois une exigence et une leçon, la juste considération à avoir, en fait apprendre à voir le monde à travers le regard des autres.

Nous faisons tous le même métier, mais dans des conditions souvent très différentes, non seulement économiques, mais aussi politiques, où le livre n’a pas partout le même statut, et trop souvent, puisqu’on vend du livre français, dans une certaine dépendance par rapport au centre que serait Paris. Comment tenir cet équilibre ? Nous avons longuement débattu sur ces questions au fil des années. Mais toute situation évolue en fonction des circonstances, et je retiendrai ici ce que la pandémie nous a appris. Plus de voyages, plus de rencontres, mais une proximité, moins chaleureuse de prime abord, rendue possible par le digital. Et finalement des contacts en visuel bien plus fréquents qu’auparavant, qui ouvrent à d’autres possibilités, et surtout à un abandon des hiérarchies. Pour reprendre un terme utilisé aujourd’hui par les géographes, c’est un réseau de réalités territoriales qui s’entrecroisent à l’AILF, et c’est apparu encore plus clairement durant cette trop longue dernière année. Il faut un moteur dans l’avion, c’est le bureau et le CA, pour le reste ce sont les libraires eux-mêmes qui construisent les projets. C’est le cas pour les plus récents, qui couvrent des territoires comme l’Afrique, l’Océan Indien, l’Europe.
Tout cela se fait avec l’idée toujours présente d’y inclure nos partenaires naturels que sont les auteurs et les éditeurs. En allant même solliciter certains d’entre eux pour en faire des membres associés, dont l’expertise et l’esprit collaboratif nous sont très précieux. C’est une demande qu’avec d’autres j’avais portée depuis longtemps, l’accueil de personnes ressources au sein même de l’association, dont elles deviennent membres parfois sans avoir jamais été libraires. Ce n’est pas rien d’être accompagnés par Thierry Quinqueton, Hélène Wadowski, Pierre Myzskowski, Wielfried N'sondé, Laurence Tutello, La Réunion des livres.  C’est une obsession pour moi, sortir de l’entre soi, décentrer son regard.


Ces prises de parole qui sont les nôtres, parce que le métier de libraire c’est aussi la parole, couplées à de réelles actions sur le terrain, nous ont permis d’être entendus au-delà du strict cercle professionnel. L’AILF donne aujourd’hui un réel statut aux libraires francophones. Son travail consiste beaucoup à maintenir cette parole auprès de ses partenaires institutionnels et autres, comme auprès des éditeurs et diffuseurs.
C’est un travail moins visible, mais bien sûr essentiel. Aujourd’hui, le rayonnement de l’association est une réalité. J’y crois en tout cas.


Finalement c’est comme ça que, pas trop maladroitement j’espère, et certainement avec des erreurs, j’ai voulu exercer mon rôle de président. Le principe d’autorité m’exaspère, et puisqu’on n’est pas en conflit les uns avec les autres, le soft power peut être efficace. Nul n’est jamais exempt de vouloir porter son image, mais sincèrement je pense qu’il faut pouvoir s’oublier soi-même, et penser collectif avant tout.

Comment ta vision de la librairie  francophone a-t-elle évolué tout au long de ces 20 années d’engagement au sein de l’AILF ?


Ma vision de la librairie est la même. Quel que soit son territoire, elle a un rôle à jouer, celui d’être le premier point d’accès des populations au livre, en même temps que les bibliothèques d’ailleurs. Ainsi que le dit un historien français, Michel Winock, la librairie fait partie du centre nerveux d’une ville ou d’un village. Par contre je ne suis pas sûr que la situation des librairies francophones elles mêmes se soit tellement améliorée. En vingt ans, je l’ai dit, la situation géopolitique, et donc économique, de certaines régions s’est dégradée. Et l’année que nous venons de vivre a bien démontré la fragilité d’un réseau qui ne dispose ni des mêmes filets de sécurité, ni de la même sollicitude des pouvoirs publics que les librairies des pays du Nord, à l’exception bien sûr des actions du CNL, dont la présence à nos côtés est devenue essentielle, et de l’accompagnement que nous apporte depuis toujours le BIEF.
Et trop souvent, et c’est sans doute le plus désolant, ce réseau ne bénéficie pas d’une juste appréciation par les fournisseurs des réalités du terrain et des politiques à mener pour permettre à ces librairies de vivre. Pour autant qu’on souhaite réellement qu’elles vivent. Question de vision…
Ce qui a changé en réalité, c’est la prise en main de leur destin par les libraires eux-mêmes. Il suffit de voir le résultat du travail qui a été fait en Afrique ou dans l’Océan indien, celui qui se mène aujourd’hui au niveau des libraires européens, ou les réseaux qui se structurent au Maghreb, aux Amériques. C’est la solidité du socle des libraires qui impressionne.


Faut-il dire l’importance du rôle des équipes dans tout ce qui a été fait, et qui continue à être fait ? Pour ne citer que celles et ceux en exercice : Agnès Debiage et Voharirana Ramalanjaona dans les îles de l’Océan indien, Brahima Soro, Loubna Joheir Fawaz, Prudentienne Houngnibo en Afrique, Michel Choueiri, Samar Hoballah et Agnès Debiage encore pour le monde arabe, Maryline Noël aux Amériques, Isabelle Lemarchand et Anaïs Massola pour l’Europe, et même plus… Et deux nouveaux entrants, Binta Tini pour l’Afrique, et Olivier Jeandel pour la zone Asie. Sans les administrateurs, et sans l’équipe de nos permanentes à Paris, Anne-Lise Schmitt et Caroline Natali que je veux honorer au passage, nous n’en serions pas là.

Quels sont tes projets, notamment au sein de l’AILF, dont tu es membre fondateur et membre associé ?


Aujourd’hui, au niveau de l’AILF c’est d’abord laisser la transition se faire, laisser l’équipe  et sa nouvelle présidente mener la barque à leur façon. Comme cela a toujours été fait. Pour celui qui quitte le devant de la scène, la question est de savoir comment rester proche en s’éloignant, ou l’inverse… Il y a une éthique de l’éloignement, qui consiste entre autres à savoir ce que signifie de rester proche, par souci de l’autre. Et donc s’il faut intervenir, ne le faire que s’il y a quelque-chose à apporter, en fonction de ses compétences, de son expérience, qui finalement trouveront leurs limites.
Les principaux enjeux de l’association pour les années à venir, c’est bien sûr Isabelle et l’équipe qui y répondront. Elle a très bien défini cela dans l’entretien repris sur le site de l’AILF. Nous avons une association qui est réellement internationale, et c’est sa force, elle peut parler au nom de tous. Et nous avons une association qui sait que le métier de libraire, fragile mais essentiel, est aussi politique, il est le reflet de la société où il s’exerce, il en est aussi un des acteurs. Ce réseau de libraires est exceptionnel, il doit vivre, et je n’oublie pas ce qu’a dit un jour de l’AILF un animateur d’une de nos formations de formateurs : une internationale fraternelle.

Propos recueillis en mai 2021

 

Isabelle la Page

Isabelle, tu es fraîchement élue présidente à l’AILF, peux-tu expliquer en quelques mots ta vision de l’avenir del’association ? De sa gouvernance ? De ses projets phares ?

Rassembler les libraires francophones de l’International est une idée qui a germé il y a bientôt 20 ans dans l’esprit de quelques libraires déterminés de l’étranger et aujourd’hui c’est plus d’une centaine de libraires qui sont fédérés au sein de l’AILF.

Les enjeux de l'association sont nombreux, puisque sous le nom commun de « libraire » nous exerçons des métiers qui varient beaucoup selon les zones géographiques, le contexte social, politique, économique, la langue ou les langues du pays, sa culture et le format de nos librairies. Le rôle de l’association est donc de trouver les moyens de faire entendre chaque voix en la rattachant à des problématiques communes.

Chaque libraire francophone qui travaille à l’International est ainsi concerné par des questions de transport, de prix, de formation, et de relation avec des distributeurs qui se trouvent pour partie en France : ce sont des questions qui sont autant d’axes de travail auxquels l’association s’attelle depuis des années.

Dans le contexte particulièrement crucial que nous traversons ces derniers mois et les ruptures économiques que les libraires de l’étranger connaissent avec la crise sanitaire, les priorités de l’AILF sont l’aide aux librairies menacées de fermeture et le rétablissement de meilleures conditions pour pouvoir travailler correctement : ça veut dire remédier aux délais et à la surcharge financière du  transport des livres ou répondre aux besoins en formation pour sortir de la crise. 

Ce rôle de présidence est une mission collaborative et rien ne se passe sans le lien constant avec l'équipe permanente de l'association à Paris - Anne-Lise Schmitt, Déléguée générale et Caroline Natali, Chargée de mission, les membres assoiciés et les administrateurs responsables de zone : ainsi en est-il des grands projets à venir pour les années 2021 à 2023 : 


-    en Afrique subsaharienne, la vice-présidente de l’AILF, Loubna Joheir Fawaz, librairie Vents du Sud à Nouakchott, joue un rôle clé avec Brahima Soro - librairie de France à Abidjan, Prudentienne Houngnibo de la librairie Notre-Dame à Cotonou et également présidente de l’association des libraires du Bénin qui pilote un projet de formation pour le Bénin et le Togo, ainsi que Binta Tini - La farandole des livres Niamey nouvellement élue comme administratrice.
-    En Asie ou nous souhaitons établir plus de contacts avec le réseau des  libraires, et nous réjouissons qu'un nouvel administrateur Olivier Jeandel de la librairie Carnets d'Asie à Phnom-Penh et a Bangkok vienne d'être élu.

- Au Maghreb avec Samar Hoballah de la librairie Al Mouggar à Agadir c’est un beau projet qui vise la labellisation des libraires en collaboration avec des partenaires institutionnels au Maroc et des actions de formation pour  les libraires francophones du Maghreb avec le soutien du CNL.
-    Au Moyen Orient c’est Michel Choueiri, vice-président de l’AILF et libraire à Dubai - Librairie Culture&Co qui représente l’association et porte la voix des libraires de cette région
-    Dans l’Océan indien, c’est Voahirana Ramalanjaona, secrétaire générale de l’AILF, de la librairie Mille-feuilles à Antananarivo, qui pilote la zone et également présidence de l’association des libraires malgaches et porte également un projet de formation pour la zone Océan Indien.

- Enfin en  Europe, avec ma consoeur Anaïs Massola de la librairie Le Rideau rouge à Paris, qui est trésorière de l'associaiton, je participe au projet de L’Europe des libraires indépendants (dans le cadre du programme Europe Créative) avec des confrères libraires de plusieurs pays européens.

Cela fait quelques années que tu as intégré le bureau de AILF en 2016, peux-tu évoquer quelques  moments forts de cette expérience associative jusqu’à aujourd’hui ?

En intégrant le Bureau de l’AILF j’ai pu prendre la mesure et le poids des projets qui étaient portés par l’association, et leur possibilité d’exécution : réunir des professionnels qui  pratiquent le même métier mais dans des acceptations différentes met en lumière des avantages et des contraintes que l’on n’ imagine pas : les idées en sont enrichies, les projets redimensionnés a la lumière des expériences de chacun, et une grande ouverture d’esprit est nécessaire.
Ces dernières années au sein du Bureau de l'association m’ont donc permis d’accueillir les fonctionnements de chacun, leurs idées, et de travailler pour les transformer en actions concrètes ; une grande chance pour moi est d’avoir pu être formée par des libraires de grande expérience de leur métier mais aussi une profonde connaissance des arcanes administratifs et politiques nécessaires pour faire avancer les projets.
Depuis 2019, l'association s'est enrichie avec la collaboration des membres associés, personnalités du monde du livre et de l'édition qui interviennent dans nos projets interprofessionnels avec le souhait de développer le dialogue entre les professions impliquées dans la chaîne du livre. La pertinence de leur expérience humaine et professionnelle est précieuse. C'est une immense chance pour l'association de pouvoir, selon les projets, être éclairé par l’écrivain Wilfried N’Sondé, Thierry Quinqueton de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, Pierre Myszkowski, du BIEF - Bureau international de l'édition française, Hélène Wadowski ex- Directrice de collection chez Flammarion, Laurence Tutello, de la librairie Chat Pitre et Présidente de l'Association des Librairies Spécialisées Jeunesse ou encore La Réunion des livres, Association interprofessionnelle des métiers du livre à La Réunion.

Peux-tu nous retracer en quelques mots ton parcours de libraire ?

J’ai repris la librairie La Page de Londres en 2008, après y avoir travaillé pendant un an. La librairie, fondée en 1978 par une famille britannique avait vaillamment traversé les années en mettant la littérature classique et scolaire au centre de ses rayons.
Ce fut donc avec une immense motivation et grâce à une équipe que j’ai constituée petit à petit que la librairie a su prendre l’espace que les lecteurs attendaient à Londres : celle d’un lieu où la littérature francophone contemporaine a également toute sa place, ou les éditeurs sont présents dans une volonté de bibliodiversité et ou les clients comme les partenaires culturels locaux peuvent trouver un soutien pour faire rayonner les cultures francophones.
 
Tu participes activement au projet L’Europe des libraires indépendants. Le Brexit a-t-il modifié ta vision de la librairie à l’échelle européenne ou a-t-il renforcé au contraire cette vision ?


C’est en plein Brexit que nous avons vu démarrer ce projet L'Europe des libraires indépendants et c’est avec une grande évidence que je me sens partie prenante dans ce projet. Le Brexit a modifié ma vision du pays dans lequel je vis et dans lequel j’exerce mon métier de libraire, il a modifié les habitudes de consommation des gens et le marché francophone. Mais en aucun cas il ne contraint ma vision de la culture européenne, celle d’une communauté d’auteurs, de pays, de géographie et d’histoire commune, qui existe très fortement dans la littérature.
Co-construire avec des librairies à Berlin, à Barcelone, à Korčula, à Bucarest ou à Paris, passer du niveau de l’utopie à celui de projet est pour moi une source de joie immense.

Qu’est-ce cette expérience associative a apporté à ta manière d’envisager une collaboration interculturelle et interprofessionnelle?


M’impliquer dans la vie associative à travers l’AILF m’a permis depuis quelques années de sortir de mon seul métier de libraire et de chef d’entreprise pour m’ouvrir à d’autres réalités : c’est un accès au monde par la fenêtre de mon métier, ce qui permet une excursion dans l’inconnu sur un bateau qui m’est familier.  J’aime beaucoup l’idée de prendre du recul par rapport à la réalité de mon métier et de ce que j’ai créé - des milliers de clients pour la plupart heureux, une dizaine de salariés, un endroit chaleureux, un repaire historique, une place dans la ville.

Quels sont, pour toi, les principaux enjeux du métier de libraire francophone ?

Les principaux enjeux du métier de libraire francophone sont de s’adapter au pays dans lequel on est, que ce soit son pays d’origine ou son pays d’adoption, faire le lien entre la langue du pays et la langue française, comprendre le contexte culturel et la population à laquelle on s’adresse, et dans ce milieu-là, pouvoir mettre en place un commerce dont le système économique est non seulement viable mais fructueux malgré les contraintes géographiques. Le métier de libraire ne devrait pas tout le temps être vu comme un métier dans lequel il est toujours question de survivre financièrement !

En tant que présidente, quelles sont les missions que l’association doit, à ton sens, accomplir en priorité dans les années à venir en faveur de la diffusion du livre francophone et en particulier  dans le contexte de crise sanitaire ?


Les missions de l’AILF dans les années à venir sont la sauvegarde le développement des librairies francophones, par des projets de formation, de festivals, de rencontres et de collaboration entre librairies. Plus que des boutiques de livres, elles sont un relais culturel que les éditeurs et les institutions doivent soutenir autant que les librairies de France. A l’heure où nous fêtons le quarantième anniversaire de la loi Lang sur le prix unique du livre et la qualification de commerce essentiel pour les libraires en France, il est nécessaire de rappeler que ces avancées ne sont pas légion à l’étranger. L’AILF comme notamment  le Centre National du Livre ou le Bureau International  de l’Edition française  travaillent en grande collaboration pour permettre ce déploiement.


On te laisse pour retourner à ton quotidien de libraire mais pourrais-tu nous dire quelle recommandations tu fais actuellement aux  clients de La Page ?


En ce moment on vous recommandes ODES, de David Van Reybrouck chez Actes Sud, Un Père Etranger de Eduardo betti a La Contre Allée ou encore Fièvre de Cheval, de Sylvain Chantal au Dilettante.. et beaucoup d'autres aussi ..

 

Propos recueillis le 3 mai 2021

Portrait en pied PH

 

L’AILF est très heureuse de se faire l’écho de la réjouissante nouvelle : le  prix Livres Hebdo 2020 récompensant une initiative remarquable a été attribué le 22 septembre à Prudientienne Houngnibo Gbaguidi, directrice de la librairie Notre-Dame à Cotonou (Bénin) depuis 2015. Bravo à elle et à toute son équipe !


« Je dédie ce prix d’abord à Mme Agnès Adjaho : c’est elle qui m’a faite et qui a fait la librairie Notre-Dame : je dédie aussi ce trophée à l’AILF très mobilisée depuis longtemps sur la chaîne du livre en Afrique, sans oublier le Centre national du Livre, la Centrale de l’édition et tous les éditeurs français qui accompagnent la librairie Notre-Dame depuis plus de 50 ans. C’est une grande joie que je partage avec tout le personnel de la librairie. »


Située derrière la cathédrale de Cotonou (photo), la librairie Notre-Dame est une institution culturelle de référence au Bénin. On se souvient encore de sa fondatrice Agnès Adjaho, femme de lettres, véritable figure de l’édition francophone, personnalité publique engagée pour plus de justice sociale et pour une plus grande prise en compte des peuples et des pays africains. Ancienne présidente de l’AILF, elle a initié la Caravane du livre en Afrique en 2004 au Bénin avec une exigence de qualité sur les choix des titres qui devaient être mis en avant dans le cadre de cette opération en faveur du livre et de la lecture, comme elle aime tant à le rappeler. Aujourd’hui, en 2020, elle vient d’achever son mandat comme ambassadrice du Bénin près le Saint-Siège à Rome.
A l’instar de son mentor, Prudientienne Houngnibo est devenue une figure emblématique de la chaîne du livre au Bénin, alliant professionnalisme, engagement et dynamisme. Diplomée en Administration Générale à l'Université Nationale d'Abomey Calavi et travaillant depuis 20 ans à la librairie Notre-Dame dont elle a gravi tous les échelons, Prudentienne Houngnibo est devenue aujourd’hui une actrice culturelle incontournable à l’écoute des professionnels du livre locaux et toujours aussi impliquée au sein des réseaux de bibliothèques et établissements scolaires locaux pour faire  connaître aux lecteurs béninois la richesse et la variété de la littérature africaine en générale et béninoise en particulier.


On ne compte plus les manifestations qu’elle organise au sein de la librairie Notre-Dame dont elle a pris la direction en 2015 : dédicaces, ateliers d'écritures, tables rondes sans oublier la Caravane du Livre et de la lecture qu’elle a réussi a maintenir et à faire évoluer. Opération culturelle majeure des libraires de l'Afrique subsaharienne mise en place au sein de plusieurs pays africains et coordonnée par des libraires de l’AILF, la Caravane du livre et de la lecture a pour objectif de promouvoir les littératures francophones, de sensibiliser le grand public par des animations hors les murs et de bonifier le prix du livre grâce à un dispositif original qui permet de toucher le plus grand nombre de lecteurs. Preuve d’esprit d’initiative et de dynamisme, Prudentienne avait initié en 2019 des concours d’illustration et de poésie dans le cadre de cette opération au sein des établissements scolaires.
Aujourd’hui, elle a fait de la contrefaçon du livre  son cheval de bataille : en effet si d’aucuns voient dans les effets induits du piratage un moyen de favoriser le partage des connaissances, c’est une atteinte majeure à la propriété intellectuelle qui nuit à l’exercice professionnel du métier de libraire.


Présidente de la jeune association des libraires professionnels du Bénin créée en 2019, Prudentienne Houngnibo entend doter les libraires professionnels du Bénin d’une instance qui permette de donner davantage de poids à leur combat et consolide leur rôle de distributeurs d’une offre éditoriale diversifiée.


Gageons que ce prix donnera encore plus de visibilité à la librairie Notre-Dame et galvanisera les efforts de Prudentienne Houngnibo, de son équipe et de tous les  acteurs du livre engagés au Bénin !

 Visionnez la captation de la remise des prix à Paris le 22 septembre et l'adresse au jury de Prudentienne Houngnibo (15'32 - 16'42) sur la page facebook de Livres Hebdo : https://www.facebook.com/LivresHebdo.fr/videos/1751945684961242/

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En préparation des Etats Généraux du livre en langue française dans le monde, l’Organisation Internationale de la Francophonie souhaite développer une plateforme numérique visant à cartographier les acteurs du livre en langue française. Cette plateforme aura pour objectif de référencer les professionnels du livre des pays de la Francophonie, permettant de renforcer leurs collaborations et le partage d’informations. Afin d’amorcer la mise en œuvre de ce projet, l’OIF a fait appel au cabinet BearingPoint pour constituer la base de données initiale de cette cartographie.
Dès à présent, tous les acteurs du livre en langue française sont invités à partager les informations qui seront utilisées pour réaliser le premier prototype de la cartographie. Vous trouverez en pièce jointe un formulaire à compléter au titre de votre organisation ou de vos membres si vous êtes une association professionnelle (fichier Excel). Une fois renseigné, ce formulaire est à retourner par mail à l’adresse : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..
 
Si vous ou les acteurs sollicités le souhaitez, il est également possible d’adresser ces mêmes informations sous un autre format (dans un fichier PDF, Word ou directement par mail).
Pour les acteurs qui représentent plusieurs structures distinctes, vous pouvez renseigner plusieurs formulaires ou nous adresser plusieurs documents qui recensent les informations pour chaque entité (par exemple, un éditeur qui organise un événement remplit un formulaire pour sa maison d’édition et un formulaire pour son événement). En partageant ces informations, vous acceptez de fait qu’elles soient publiées dans la cartographie du livre en langue française dans le monde.
N’hésitez pas à partager ces informations et le formulaire à tous les acteurs du livre de votre entourage et qui souhaiteraient prendre part à ce projet de cartographie du livre en langue française. Nous vous remercions sincèrement par avance pour votre participation, et restons à votre disposition si vous souhaitez davantage d’informations au sujet du projet de cartographie du livre en langue française dans le monde.
 
Formulaire à télécharger plus bas dans En savoir Plus

Le gouvernement marocain annonce ce jour, mardi 26 mai 2020, par la voix de son ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Othman El Ferdaous, la possible réouverture des kiosques et librairies sans autorisation préalable alors qu’un déconfinement était prévu initialement le 10 juin. Etonnant car ces dernières n’avaient reçu aucune consigne les concernant le 20 mars (seuls les commerces de bouche et de première nécessité, comme les pharmacies, marchés, pouvaient rester ouverts). Devant le peu d’informations les concernant les libraires ont agi au cas par cas.Donnons la parole à Stéphanie Gaou, directrice des Insolites à Tanger.

 Stephanie Gaou par David Koneckny

©David Koneckny

J’ai fermé la librairie le 18 mars 2020, voyant que le Maroc entrait dans une phase de confinement intensive à quelques jours du ramadan (qui est en temps normal, une période assez peu faste pour les librairies ici). D’un côté, j’ai fermé pour protéger ma collaboratrice et moi-même, et de l’autre, pour protéger la clientèle. A ce moment-là, nous ne savions pas vraiment quoi faire pour garantir une sécurité sanitaire fiable. J’ai préféré fermer.

S’adapter en travaillant son fonds, en créant des sélections sur les RS, des conseils personnalisés, une opération de parrainage
Cela a été très difficile les deux premières semaines de confinement. Rester loin de la librairie sans voir ma clientèle et les habitués, ce fut un coup dur. Je n’ai pas de site marchand, je communique juste sur Instagram & Facebook, je ne savais pas comment rendre accessible mon stock. J’avais calculé que je pourrai tenir financièrement jusqu’au 30 avril 2020 en restant fermée, c’est-à-dire que je pourrai assurer les charges fixes et le salaire de ma collaboratrice, mais quand j’ai vu la date du 30 avril arriver à grands pas, j’ai décidé de rouvrir le 1er mai. J’ai profité du confinement pour lire ou relire le fonds de la librairie, et reprendre les sélections de la librairie, comme je le fais d’habitude en vrai. J’ai essayé les vidéos, mais je trouve ça trop laborieux et je ne suis pas à l’aise. Du coup, quelques jours avant le 1er mai, j’ai relancé l’idée de faire des livraisons et envoi de colis dans tout le Maroc.
Plusieurs projets ont vu le jour : les sélections sur les réseaux sociaux, des conseils personnalisés via whatsapp avec mes clients réguliers, une opération de parrainage pour les clients qui ne sont pas à Tanger et qui peuvent à la fois soutenir la librairie en finançant des lots de livres pour des lecteurs qui aiment lire mais n’ont pas toujours les moyens de consacrer des sommes à l’acquisition de livres. Après avoir reçu quelques dons, je lance concrètement l’opération cette semaine.

Mais de lourdes conséquences économiques et humaines et très peu d’aides locales
Le chiffre d’affaires est presque identique à celui de l’année dernière en mars, mais le C.A. 5 fois moins important en avril 2020 (par rapport à 2019). Il va falloir travailler plus cette année, je n’envisage pas de repos et ne pourrai pas prendre autant de risques au niveau des achats de livres, sachant que je n’ai quasiment pas d’office.
Au niveau des banques, il y a un produit pour les TPE/PME, qui s’appelle Damane Oxygène (une sorte de crédit avec un taux d’intérêt pas si avantageux que ça) pour aider à payer les charges fixes de la librairie sur 3 mois. La demande est laborieuse, je n’ai encore rien obtenu. Et la CNSS (sécurité sociale) assure 2000 dhs par mois pour les salariés qui n’ont pas travaillé. C’est peu encore. Rien d’autre. Depuis quelques jours, des amis très proches ont décidé de lancer une opération solidaire pour le lieu avec des artistes pour organiser une vente dont les fonds aideraient le lieu à maintenir une activité décente.
En ce qui concerne les fournisseurs, beaucoup ont cessé leur activité pendant le confinement et travaillent depuis leur maison. Il est quasiment impossible de commander des ouvrages nouveaux, à part avec un distributeur qui, lui, n’a jamais cessé son activité. Je reprends peu à peu (et prudemment) des commandes pour mes clients favoris.

Des craintes de perdre l’identité d’un lieu culturel d’échanges artistiques
Sur le court-terme, nous avons dû annuler plusieurs dédicaces d’auteurs, des expositions car la librairie fait également office de galerie, et j’avais prévu un programme artistique jusqu’à octobre 2020 que j’ai dû annuler (billets d’avion perdus, etc.). Sur le long-terme, mon lieu n’a de sens que s’il est fréquenté. J’ai tout misé sur la convivialité du lieu, sa décoration, son style, sa possibilité de faire converger les désirs des artistes avec ceux des clients. Si ces derniers ne peuvent plus le fréquenter comme avant, ce ne sera plus aussi agréable de travailler.
Les gens ont l’air rassurés à la librairie, mais on les sent peureux. Dans l’ensemble, tout le monde se félicite de nous voir ouverts, et respecte très bien les mesures de confinement, mais ce n’est plus du tout aussi chaleureux qu’avant. Nous-mêmes faisons tellement attention à ne pas être des sources de contamination que nous en oublions parfois notre sympathie et désir de partager nos lectures. Nous avons gagné une clientèle hors les murs puisque peu de librairies ont maintenu leur activité, mais j’ai bien peur que cela ne durera pas. Et pourtant, je suis très heureuse de développer un nouveau réseau de lecteurs/lectrices, très pointu.

Nouvelles initiatives : « click and go »
Nous avons rouvert le 1er mai en service « click & go ». Les clients demandent des livres via les réseaux sociaux, nous préparons les livres 48h à l’avance en prenant toutes les mesures sanitaires (port de masque, lavage régulier des mains, gel, etc.). Les clients peuvent venir les chercher du lundi au vendredi de 10h à 15h où nous organisons des livraisons tous les jours sur Tanger. Une fois par semaine, nous organisons des envois de colis sur tout le Maroc avec le service express de la poste marocaine. Les clients n’ont pas le droit d’entrer dans la librairie (sauf pour les règlements par carte bleue), ils ne peuvent pas toucher les livres. Nous nettoyons tous les jours la librairie (sol avec produit sanitaire, machine CB, consoles, claviers d’ordinateurs, etc.)

Lien vers le portrait de la librairie

Photo 1

Par Flora Dubosc

Ici en Hongrie, les librairies ne sont pas considérées comme des commerces à part. A ce jour, 10 mai 2020, à Budapest, les lieux culturels, universités, écoles et lycées sont fermés jusqu’à nouvel ordre (mais les épreuves écrites du bac ont commencé cette semaine). Les restaurants et bars ne peuvent faire que de la vente à emporter. Les (para)pharmacies, commerces d’alimentation et drogueries peuvent rester ouverts jusqu’à 18h avec une plage horaire (9h-12h) réservée aux plus de 65 ans. Les autres commerces, y compris les librairies, peuvent être ouverts jusqu’à 15h. Le port du masque est maintenant obligatoire dans les commerces et transports en commun. Toutefois, samedi 16 mai, le gouvernement a annoncé le dé-confinement de Budapest. L’Institut français rouvrira pour ses équipes, mais pas encore au public, le lundi 25 mai. La librairie sera donc ouverte à compter du lundi 25 mai midi avec de nouveaux horaires et un espace un peu réaménagé.

La librairie Latitudes est située dans un espace qui est au rez-de-chaussée du bâtiment de l’Institut français de Budapest. Ce bâtiment, propriété de l’Etat français, et par conséquent la librairie, est restée fermée au public depuis le 17 mars. Légalement, la librairie aurait pu rester ouverte, avec des horaires limités, mais par égard pour l’équipe, les clients et il faut le dire, par facilité et par peur, nous avons décidé de fermer.  Après quelques jours d’inactivité totale, pour ne pas dire de paralysie, nous avons commencé à communiquer avec nos clients, sur notre site internet et nos pages Facebook et Google pour les informer de notre décision de fermer. Nous avons commencé à réfléchir, à compter, et recompter le manque à gagner, la trésorerie. Nous avons contacté tous nos fournisseurs pour négocier, avec plus ou moins de succès, le report du paiement de nos factures. Nous avons demandé, et obtenu sans difficulté aucune, l’annulation des loyers pendant toute la période de fermeture de l’Institut français. Nous avons échangé avec nos collègues dans d’autres pays d’Europe et avons déposé une demande d’aide exceptionnelle auprès du Centre National du Livre. Nous avons fait de notre mieux pour maintenir le contact entre les membres de l’équipe.

Une permanence hebdomadaire dès avril et une intensification de la communication sur le site marchand et sur le service de livraison à domicile

Début avril, l’Institut français a commencé à assurer une permanence hebdomadaire dans ses locaux ce qui permet aux libraires d’accéder, les jeudis, à la librairie. Nous avons donc réactivé notre service de livraison à domicile et intensifié notre communication sur l’existence de notre site marchand qui existe depuis plus de 10 ans. Travaillant à la maison avec accès à notre logiciel de comptabilité et de gestion de stock, je traite les commandes des clients (facturation), je réponds aux e-mails et appels téléphoniques (la ligne de la librairie est transférée sur mon mobile) et l’équipe (3 personnes plus la gérante) se retrouve une fois par semaine à librairie pour préparer, avec grand plaisir, les paquets et les remettre à la société de livraison avec laquelle nous travaillons. Nous avons expédié 123 colis en avril ce qui représente environ un tiers des ventes que nous avions réalisées sur la même période l’année dernière, des frais supplémentaires conséquents mais tout de même quelques recettes qui me permettront de payer au moins les salaires (et charges) des 3 employés au mois de mai.

De lourdes conséquences humaines, économiques

Nous ne savons pas si les clients vont venir, s’ils auront envie de flâner dans la librairie, s’ils auront les moyens de faire des achats. Nous ne savons pas non plus si, quand ou comment nous allons pouvoir recommencer à organiser des animations, à inviter des auteurs, relancer nos soirées Un livre – Un vin ou notre club de lecture. Le seul bénéfice de ces animations, il faut bien le dire, est le plaisir qu’elles procurent. Elles ne génèrent jamais assez de recettes pour couvrir les frais qu’elles occasionnent. Nous ne savons pas non plus si, ou quand, nous allons retrouver un volume de ventes suffisant pour couvrir nos charges. Nous n’avons que peu de certitudes. Nous savons que nos dépenses vont augmenter parce qu’il va nous falloir mettre du gel hydro-alcoolique à disposition de nos clients, équiper les libraires de masques, faire encore plus souvent le ménage, désinfecter régulièrement le comptoir de la caisse, les claviers, souris, et autres terminaux de carte bancaire. Nous savons qu’il nous faudra au moins deux ans pour nous remettre, peut-être, financièrement de cet épisode. Si pour le moment je n’envisage pas de réduire l’équipe, je sais d’ores et déjà que je ne pourrai pas verser de primes de fin d’année ni assurer les augmentations de salaires proportionnelles à l’augmentation du coût de la vie que je fais habituellement en mai.

Des aides locales minimes

A notre connaissance aucun fonds n’est mis en place en Hongrie pour les librairies. Nous nous informons du mieux que nous pouvons mais ici, le secteur de livre n’est absolument pas organisé, comme il l’est en France ou dans d’autres pays. Les librairies indépendantes, au sens français du terme, se comptent sur les doigts d’une main, ou deux. Le secteur de la culture, en dehors peut-être des structures d’Etat, ne fait pas partie des préoccupations du gouvernement. Les quelques mesures économiques qui ont été annoncées, notamment pour la protection des emplois, ne nous concernent pas parce que tous les membres de l’équipe de la librairie travaillent à temps partiel. Le système de chômage partiel ou technique n’existe pas. Pour une entreprise comme la nôtre deux options sont possibles pour diminuer nos charges salariales. La première serait de mettre l’équipe en congés sans soldes, mais comme cela implique la suspension de leurs droits à la sécurité sociale cette option n’est pour moi pas envisageable. La seconde est de suspendre le paiement de la rémunération de la gérante, ce qui n’implique pas la suspension du paiement des charges sociales afférentes. Depuis mars, je paie donc des charges sur un salaire que je ne me verse pas. Le gouvernement a également annoncé des mesures visant à la réduction des impôts. Celles-ci sont minimes, notre taux d’imposition diminuera a priori d’un pourcent, et ne nous concerneront qu’en 2021. La seule mesure concrète dont nous bénéficions actuellement est le moratoire imposé sur le remboursement des crédits ce qui n’aura en réalité qu’un tout petit impact sur les finances de la librairie puisque nous n’avons qu’un crédit dit de compte courant (sorte de découvert autorisé) de 3.000.000 de Forint (env. 8.500 euros).

Des horaires d’ouvertures adaptées pendant le déconfinement mais un incertititude sur la réouverture des locaux de l’Institut français au public

Nous discutons aussi entre nous des aménagements à faire dans la librairie pour accueillir les clients dans le respect des recommandations de distanciation notamment et des plannings pour que chaque membre de l’équipe soit le plus à l’aise que possible. Vis-à-vis des clients nous partageons les nouvelles de la librairie par des lettres d’informations, sur notre site internet et nos pages Facebook et Google.

Notre crainte principale est d’ouvrir et de ne pas voir de clients. En effet, si l’Institut français (notamment son école de langue et sa médiathèque) reste fermé au public jusqu’à la rentrée de septembre comme cela est envisagé actuellement, il y a de fortes chances que le Café Dumas, qui est l’autre commerce dans le bâtiment, reste fermé lui aussi. Le bâtiment risque alors d’avoir une allure quelque peu fantomatique peu propice à faire entrer les clients dans la librairie. Si cette crainte se réalise et que notre chiffre d’affaire reste aussi bas que ces dernières semaines la librairie devra fermer, définitivement cette fois.

Lien vers le portrait de la librairie

FREDERIC DUMAS

Par Frédéric Dumas

La Guyane est une collectivité territoriale française. Elle présente des similitudes avec la librairie française (aides locales, subvention au transport) et avec les libraires francophones à l'étranger du fait de son éloignement géographique.
La Guyane, sur arrêté préfectoral, a été confinée du 15 mars au 11 mai 2020.

Développer la vente en ligne
La librairie a été fermée .Nous avons, par expériences des différents conflits passés, réagit dès le 16 mars en réorganisant notre activité par la vente et le conseil de livre en ligne, avec livraison à domicile ou retrait dans nos en boites aux lettres. Cette activité commerciale, existante depuis plusieurs années dans nos librairies avec notre site internet www.kazabul.com nous a permis de prendre, en partie, le relais de la vente d’ouvrages et d’apporter un service de proximité. Actuellement, nous possédons 65 000 références et 180 000 titres dans nos 2 librairies. Cette diversité d’ouvrages, disponible sur notre site internet, participe très largement au succès rencontré par ce type d’initiative. Notre service de vente en ligne a évité la fuite de notre clientèle vers les sites marchands tels qu’AMAZON, FNAC, CULTURA etc. Grace à ces positions, nous avons pu conserver 80% du personnel entre 10H et 30H semaine en bénéficiant du chômage partiel. Notre dynamisme nous a permis de réaliser, un CA total d’environ 100 000€ depuis le 16 mars dans nos 2 librairies.

Adaptation dans les commandes et au niveau de l’équipe
Nous avons mis en place l’organisation des retours et des demandes sur couverture de manière à retrouver de la trésorerie à la reprise et avons réalisé l’inventaire des librairies. Nos collaborateurs ont répondu présents et sont fatigués mais heureux de la sortie de crise. Maintenant, nous allons organiser des tours de Vacances, en Guyane ....
En terme d’aide locale, il y a possibilité d’avoir un prêt jusqu’à 50K€ garantie par la Collectivité Locale de Guyane.

Le dé confinement
Nous reprenons les horaires normaux et appliquons les règles de dé confinement conseillés par le Syndicat de la librairie dès lundi. Tous les outils de communication sont mobilisés pour informer les clients : mailing, Instagram, WhatsApp, Facebook, Téléphone etc.

Les leçons et recommandations tirées de ces expériences dans votre relationnel avec la clientèle, les fournisseurs, les partenaires
Notre rapport à la clientèle est toujours au beau fixe et la relation fournisseurs n’a pas changé. Parmi les bonnes choses, nous avons énormément vendu de fonds. En revanche pour ce qui est du rapport aux institutionnels et partenaires privés, c’est plus compliqué car l’arrêt des règlements des collectivités et des commandes publiques va entrainer une perte des prix de fin d’année et l’absence de révision de bac va nous contraindre à retourner le stock d’annales.
Il est important d’être ultra réactif et ne pas s’endormir... nous avons continué à recevoir nos palettes de réassort et les avons traités ce qui nous a permis d’accentuer notre choix en librairie. Dès la semaine du 11 mai, nous avons fait annuler tous les notés chez les fournisseurs. Il n’y avait plus d’avion, en dehors d’un seul Groupage et de toute façon les prix de transport ont augmenté de 20% par Air France. Les autres compagnies ayant stoppées tous leurs vols. J’ai négocié, dès la première semaine de meilleurs garanties Cofaces pour assurer la rentrée scolaire qui vient d’arriver. Nous allons reprendre les nouveautés et le réassort...

Portrait de la librairie

 Frere Didier 1 mai 20 Frere Didier 2 mai 20

Par Frère Didier Berenger AKONWOUNKPAN

Le Sénégal a annoncé son premier cas de Covid 19 le lundi 2 mars 2020, sur un Français qui a séjourné en France en février avant de revenir au Sénégal et qui a été mis en quarantaine à Dakar. Il s'agit du deuxième cas confirmé en Afrique subsaharienne après le Nigeria, qui concernait un Italien lui aussi de retour de son pays. La panique n’était encore au rendez-vous : on s’attelait dans les préparatifs des évènements religieux (carême, Journée Mondiale de la Jeunesse, pèlerinages, ordinations, ….). A Clairafrique, nous avions commencé les préparatifs de la rentrée des classes 2020-2021 en attendant la confirmation des directeurs d’écoles pour des rencontres de concertation. Malheureusement, la psychose gagne du terrain ouvrant des portes à l’indiscipline. Les cas positifs se multiplient à petite échelle. Les sensibilisations commencent. Le lundi 23 mars, le chef de l’Etat déclare officiellement l’état d’urgence sur tout le territoire avec des cordons sanitaires et autres mesures (couvre-feu, réorganisation de la vie, réduction du trafic pour le transport, cordon sanitaire …) par le décret n° 2020-830 du 23 mars 2020.

Au niveau du gouvernement, il y a eu plusieurs mesures d’accompagnement pour la population (création de fond de solidarité Covid 19, distribution de denrées alimentaires, aide aux ménages pour les consommations sociale d’électricité, protection de l’emploi avec interdiction de licencier quelque employé que ce soit pour raison de la pandémie, quelques orientations pour la sauvegarde des emplois, ...). En ce qui concerne les librairies et éditeurs, jusqu’au lundi 4 mai, rien n’avait été fait. Le mardi 5 mai, une réunion de concertation entre les acteurs de la culture et le ministre de la culture s’est tenue ; un rapport sera rédigé et transmis au ministre des finances pour étude et prise de décision (nous sommes à l’écoute dans l’espérance qu’il aura une issue favorable).

Impact du confinement sur Clairafrique : rester ouvert malgré une faible fréquentation

Entre temps, à Clairafrique, vu l’évolution de la situation, nous avons anticipé et décidé le vendredi 20 mars 2020 de réorganiser le mode de fonctionnement (système de rotation mis en application, utilisation du gel hydro alcoolique et des gans, horaire d’ouverture révisé,…).

A Clairafrique, nous n’avons pas fermé les points de vente : concurrence oblige ! Les autres librairies de la place sont ouvertes. Nous offrons un service minimum (réduction des horaires de 9h à 14h, rotation du personnel : deux au plus par point de vente). Plus de la moitié du personnel est à la maison par mesure de prudence, d’autres en congé anticipé. Cela nous permet également de ‘’grignoter un peu’’ comme aime souvent le dire quelques membres du personnel. Il faut aussi reconnaitre que la population vit au jour le jour et se trouve sans ressource : il faut s’adapter au rythme économique de la clientèle.

Aux points de vente, nous insistons sur le respect des mesures sanitaires (port du masque, utilisation du gel hydro alcoolique, aller à l’essentiel au point de vente, …). A dire vrai, la fréquentation est presque insignifiante : nous sommes ouverts car il faut assurer une présence pour ne pas perdre le peu de clients qui nous fréquentent. Les écoles et institutions ne font plus de commandes depuis février 2020. Le chiffre d’affaire a baissé de 80 pour cent. Cela est compréhensible : beaucoup sont au chômage technique depuis mars, chacun pense d’abord à couvrir les charges primaires : alimentation (comment avoir une réserve alimentaire conséquente), loyer (pas de report de frais de location), factures, santé,… plutôt qu’aux livres, fourniture scolaire et de bureau. Le ventre affamé n’a point d’oreille.

Dans un contexte incertain quant au possible déconfinement, la librairie souhaite réactiver son site, réorganiser les livraisons à domicile, peaufiner la relation clientèle

Le déconfinement se prépare pour juin 2020 avec la possibilité progressive de réouverture des écoles et de certaines surfaces. Mais, avec l’évolution des cas positifs et de décès, on ne peut rien dire avec certitude.

A Clairafrique, nous sommes conscients que nul n’est à l’abri des conséquences de cette pandémie, encore moins les libraires. Cette pandémie nous ouvre cependant les yeux sur certaines réalités et dispositions à prendre en urgence : réactiver le site internet de la librairie, réorganiser les services de livraison à domicile, revoir notre relation avec la clientèle pour pouvoir les relancer de temps en temps, déployer un nouveau système de marketing et de communication en ligne à travers les réseaux sociaux, …

La grande crainte est surtout la rentrée des classes prochaines car on ne connaît pas encore la date ; ce qui freine les prévisions. La seconde crainte est celle du respect de nos engagements : rapport avec les différents fournisseurs en ce qui concerne les échéances malgré le report accordé, comment couvrir nos charges fixes ? Pour une librairie comme Clairafrique qui recherche ses lettres de noblesse, la pandémie est arrivée comme un cheveu sur la soupe. De toute façon, plus rien ne peut être comme avant : il faut être créatif. La troisième crainte est liée à l’avenir du métier de libraire : que nous réserve demain avec les livres numériques, les bibliothèques numériques et le nouveau système des cours en ligne que développent de plus en plus les grandes écoles. Tout est à réinventer et le temps nous presse.

Lien vers le portrait de la librairie

Que fait l’AILF en cette période de confinement ?

Depuis que nous avons annoncé début mars l’annulation de l’ensemble de nos manifestations prévues dans le cadre du Salon Livre Paris, la situation concernant la propagation du virus s’est mondialisée et renforcée, poussant au confinement une grande partie des populations.
Dans ce contexte dramatique d’un point de vue sanitaire et économique, l’AILF est mobilisée pour accompagner au mieux les librairies francophones frappées de plein fouet et sans ressources. Nous participons à la réflexion sur les dispositifs pour compenser les lourdes pertes de trésorerie...La baisse de chiffre d’affaire ajoutée aux charges fixes mettent en péril l’avenir de nombreuses librairies.

Ce que nous avons fait :

-Nous avons réalisé un état des lieux, en partenariat avec le Bief, pour donner une photographie la plus juste possible de l’état des librairies francophones dans le monde.

-Nous avons contacté les directeurs export des principaux groupes pour les interroger sur plusieurs points et sur les mesures prises par chacun auprès des libraires francophones : état de la chaine d’approvisionnement, report d’échéances, arrêt d’offices et réassorts, continuité des commandes, etc.

- Nous proposons de mettre en avant tout type d'initiatives d'éditeurs ou libraires permettant de trouver des alternatives aux difficultés rencontrées par les professionnels de la chaine du livre. Première initiative, celle des éditeurs Madrigall

-Nous sommes en contact avec la Centrale de l’Edition qui nous a transmis un tableau sur l’état du fonctionnement de transporteurs principaux et tachons de demander des mesures excpetionnelles pour la Coface.

-Par ailleurs nous sensibilisons les pouvoirs publics pour voir dans quelle mesure les dispositifs annoncés par le ministre de la culture concernant les 5 millions d’euros attribués au livre vont concerner la librairie francophone à l’étranger.

 

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