Association Internationale des Libraires Francophones

2011 / Etat des lieux des librairies en Espagne

L’AILF souhaite connaître davantage les librairies implantées dans les zones non francophones. Dans le cadre de sa collaboration avec le Centre National du Livre, il a été décidé de faire un état des lieux dans un pays d’Europe du Sud dans lequel l’association avait deux librairies membres. Un premier état des lieux dans trois villes d’Espagne réalisé du 13 au 18 novembre 2011 a permis de rencontré une dizaine de librairies implantées dans trois villes espagnoles : Barcelone, Madrid et Saragosse.

La chaîne du livre en Espagne

Malgré l’existence d’une loi sur le prix unique en Espagne, les éditeurs pratiquent de la vente en direct avec des rabais importants et font varier le prix des livres quelques mois après leurs parutions. De même, certaines librairies fonctionnent selon leur bon vouloir. Le marché est donc en partie instable et fonctionne sur des prix de 5 à 10% plus cher qu’en France. La production espagnole est de 25% plus importante qu’en France. La remise accordée par les éditeurs variant de 30 et 33%, est bien inférieure à celle des éditeurs français. Cependant, ces éléments n’entachent pas la présence de près de 3500 librairies sur le territoire. En se référant à la dernière rencontre annuelle du syndicat des libraires espagnoles (la Cegal), il semblerait que les interrogations outre Pyrénées soient identiques à celles posées par la librairie française, avec une inquiétude croissante sur Amazon.

Peut être est-ce une raison à la forte proportion de librairies ayant un site internet et proposant en outre de la vente en ligne (qui représenterait 1 à 2% de leur CA) ? Un site mutualisé existe : http://www.todostuslibros.com/, sorte de base de données gratuite constituée des bases éditeurs et libraires, l’équivalent d’Electre n’existant pas. Si la recherche est sommaire (auteur, éditeur, titre, EAN), ce portail de librairies est simple et efficace et connecté avec les sites de vente en ligne des librairies, permettant même aux libraires de donner une visibilité sur leur stock et d’envoyer un mail quand le titre n’est pas référencé sur le site.

Bref historique de la langue française en Espagne et attitudes du lectorat français

Au début du vingtième siècle, le français était une langue appréciée des classes intellectuelles espagnoles. Sous Franco, cette même classe sociale scolarise ses enfants dans les lycées et écoles françaises leur permettant de garder une forme de liberté de penser. Les lycées français ont participé jusqu’à la fin des années 80 à la diffusion et à la pratique du français au sein d’une large couche sociale en Espagne (en particulier à Madrid et en Catalogne). Le français était la première langue apprise à l’école et se parlait en famille. En Catalogne et au Pays basque, il constituait le seul moyen de s’exprimer puisque leurs langues natales étaient interdites.

Vers les années 90, l’éducation nationale espagnole privilégie l’anglais. Les librairies qui vendent du livre francophone se sont ainsi retrouvées face à un vieillissement d’une partie importante de leur lectorat. Depuis deux à trois ans pourtant, une certaine dynamique reprend, en faveur de l’usage de la langue française.

Les expatriés français font peu leurs achats localement et se rendent peu dans les librairies locales. C’est une population qui ne se mélange pas beaucoup et ne s’intègre ni par la langue, ni par la culture. Ils font leurs achats en France ou sur internet.
Les institutions locales françaises dans les trois villes visitées ne donnent pas l’exemple, en passant régulièrement leurs commandes chez des grossistes français comme à la LDE à Strasbourg.

Portrait des librairies visitées

A deux exceptions près, toutes les librairies rencontrées sont internationales, avec pour principales langues l’espagnol, le français et l’anglais. Pour certaines se rajoutent le catalan, bien sûr, l’italien, l’allemand, le portugais, parfois aussi l’arabe, le chinois… Le lectorat principal est national, ce marché dépend donc des politiques mises en place par les collectivités territoriales ou nationales et de l’attitude des institutions françaises pour la promotion de la langue française.

Il est important de souligner la qualité des librairies visitées, leur professionnalisme, l’énergie des dirigeants et leur inventivité.