D’Agadir au Caire, les libraires d’Afrique du Nord s’adaptent et déconfinent
La pandémie du Covid 19 aura affecté les libraires du monde entier. En Afrique du Nord, la situation varie d’un pays à l’autre. « Les libraires s’adaptent au risque sanitaire et aux mesures gouvernementales prises par ces différents états. L’AILF est en lien avec les librairies francophones du monde entier pour informer les pouvoirs publics français et l’interprofession sur la réalité dans ces zones car plus que jamais le soutien à ce formidable réseau pour sa survie, mérite une attention constante » déclare Agnès Debiage, secrétaire générale de l’AILF.
Au Maroc, selon Samar Hoballah de la librairie Al Mouggar (Agadir) et responsable AILF de la zone Maghreb « La situation dans le pays est particulière et propre à chaque ville. Al Mouggar a rouvert le 6 avril, mais d’autres sont toujours fermées en fonction de leur emplacement. La librairie ne fait pas partie des commerces qui sont autorisés à ouvrir. C’est du cas par cas. Nous avons pris des mesures spéciales à la librairie : horaires aménagées, protection spéciale, personnel réduit, distanciation, … L’Association des librairies du Maroc mène aussi plusieurs négociations localement pour essayer de soutenir la filière librairie très fragilisée ».
En Algérie, nous avons reçu des témoignages de plusieurs librairies du pays. Dans l’Ouest, à Tlemcen, Selim Bouali de la librairie Soleil, nous confie « Nous sommes restés fermés 5 semaines, mais depuis 15 jours, les autorités algériennes ont autorisé la reprise de quelques rares activités commerciales, dont la librairie avec la mise en place de mesures spéciales. L’impact est énorme, notre chiffre d’affaires a chuté de 90%, et les écoles, universités ne reprendront pas avant octobre 2020, sans compter les transports en commun qui ne fonctionnent toujours pas ». A Alger, la librairie L’Arbre à dires vient de rouvrir début avril après une fermeture d’un bon mois. « Le gouvernement a instauré des confinements partiels et un couvre-feu qui commence à 17h. L'activité commerciale est bien ralentie. Outre notre présence constante sur les réseaux sociaux, nous avons développé un service de livraison via une application sur mobile, cela nous a permis de satisfaire les demandes de nos lecteurs fidèles. Nos habitués viennent s'approvisionner fréquemment, nous avons un petit noyau d'une dizaine de lecteurs, ils s'adaptent, comme nous, à cette nouvelle réalité », nous raconte Mohamed Chakib Guerig, co-responsable de la librairie L’arbre à dires. Un peu au sud de la capitale, à Blida, Souhila Lounissi, directrice de la librairie Mauguin avoue que « Le confinement total et strict décidé par la ville n’a pas permis d’engager des dispositifs palliatifs permettant d’avoir un minimum de revenus. Donc nous avons gardé un lien actif avec nos lecteurs via les réseaux sociaux, pour continuer à partager ce que nous pouvions. Cette année sera bien plus difficile pour la mythique librairie Mauguin, et la reprise est malheureusement encore retardée ».
A Tunis, les librairies Al Kitab ont fermé du 21 mars au 4 mai. Sema Jabbes la directrice, nous explique « aucune possibilité de visiter nos locaux, de poursuivre avec la vente en ligne, ni même de récupérer des dossiers. Depuis le 4 mai un programme de déconfinement progressif a été mis en place avec des autorisations délivrées par les ministères. Les libraires font partie de la première vague des déconfinés, mais le public ne suit pas puisque seuls les habitants du quartier peuvent bouger. Pendant la fermeture, nous avons mis sur notre site web, une grande sélection de livres numériques à télécharger gratuitement, ce qui a fait le bonheur de beaucoup de lecteurs. Ce sera sans doute le seul point positif à retenir une fois l’épidémie passée. Je ne crois pas qu’il y aura une reprise avant la rentrée scolaire, nos clients comme tous les Tunisiens ont vu leurs revenus baisser et le spectre du chômage est bien présent ». Habib Zoghdi, gérant de la Maison du livre vient de rouvrir sa librairie depuis le 4 mai, avec les mesures adéquates « désinfection, gel hydroalcoolique, masques, distanciation sont entrés en vigueur , mais la reprise sera très lente et nous risquons la fermeture vu la lourdeur des charges fixes. Nos clients ont regretté qu’on dusse fermer car ils avaient besoin de lectures pendant le confinement notamment pour aider leurs enfants à s'échapper des tablettes et autres écrans en consacrant un peu de temps à la lecture, Hélas ».
En Egypte, Zeina Badram, directrice de la librairie francophone de référence, Livres de France, témoigne « nous avons fermé du 21 mars au 7 avril, le gouvernement a imposé un couvre-feu et pendant une quinzaine de jours, une fermeture des commerces le week-end. Nous avons tout mis en œuvre pour maintenir intégralement les salaires de nos employés, Et nous nous sommes organisés pour livrer gratuitement à domicile tous les clients de notre quartier. Cependant, je reste inquiète pour la rentrée scolaire car nous ne savons pas encore comment cela va se dérouler ni comment nos clients locaux et expatriés vont réagir. »
Ce petit tour d’horizon à travers quatre pays du sud de la Méditerranée montre à quel point les libraires francophones sont impactés avec diverses mesures. Mais ces témoignages attestent aussi de leur réactivité à garder leur clientèle informée via les réseaux sociaux en conservant un lien constant et des initiatives locales déployées, dans la mesure du possible, pour garder une activité même symbolique en période de pandémie.
Agnès Debiage pour l’AILF