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Le Printemps du livre audio 1/2

L’équipe de l’AILF était présente à la matinée dédiée au Livre audio organisée par l’association La plume de Paon et la Société des Gens de Lettres le 12 juin 2018 à l’hôtel Massa à Paris. Cette rencontre autour du livre audio avait pour objectif faire un état des lieux du secteur, de cibler les enjeux de la lecture à voix haute, de la médiation du livre audio, ainsi que de pointer les enjeux fiscaux et numériques.

Vous trouverez ici le compte-rendu de la table ronde sur "Les coulisses du livre audio : lire ou faire lire son texte ?"

Printemps du livre audio

Après un chaleureux accueil, une courte présentation de la Société des Gens de Lettres et de l’hôtel particulier Massa dans lequel s’est déroulée la journée « Le Printemps du livre audio », Marie Sellier, présidente de la SGDL a donné la parole à Cécile Palusinski, présidente de l’association La Plume de Paon et Paule du Bouchet, auteure et éditrice chez Gallimard « Ecoutez Lire ».

Cécile Palusinski : La Plume de Paon existe depuis 10 ans à Strasbourg. Ce choix géographique n’est pas un hasard et est lié au développement du livre audio et à la pratique courante de la lecture à voix haute en Allemagne. La région Grand Est est devenue un terrain d’expérimentation du livre d’audio en France. Le domaine d’activité de l’association est le suivant :

- Un Prix des lycées du livre audio
- Un Grand Prix du livre audio
- Un festival

Il est intéressant de comparer deux études faites en France et en Allemagne sur public du livre audio. En France, le livre audio est longtemps assimilé à un outil  à destination des déficients de la vue. En Allemagne, le plaisir de l’écoute et de la lecture à voix haute est au cœur des préoccupations du public lecteur. On voit naitre une évolution de ces pratiques en France. De nouveaux audiolecteurs naissent, le livre audio devient un objet littéraire véritable et l’émotion portée par la voix est de plus en plus reconnue.

Paule du Bouchet : Bien que le marché français soit très en retard sur ses voisins européens (allemand et anglo-saxon notamment), la rencontre se déroule sous des auspices favorables puisqu’on annonce une croissance spectaculaire du livre audio.

Il y a une vraie prise de conscience de ce marché : en effet, une commission existe depuis 3 ans, loue les vertus du livre audio et tente de le placer comme un complément au livre papier. L’objectif est de rendre visible le livre audio vis à vis des institutions, des prescripteurs, des enseignants, etc. Cette croissance est visible à différentes échelles, en effet, le livre audio est désormais présent au salon du Livre de Paris, l’organisation d’une soirée spéciale pour le livre audio au théâtre du vieux Colombier au début de 2018 dénote la volonté d’associer une institution littéraire de l’oralité, enfin un salon du livre audio ouvrira ses portes en 2019.

Le marché s’installe et nous vivons les débuts de ce que Paule du Bouchet considère être le déclenchement. D’autre part, elle soulève que cette croissance du livre audio est liée à la croisée des évolutions technologique et culturelle. L’évolution de la technologie joue naturellement un rôle dans ce développement et a permis une compréhension du livre audio.

Les coulisses du livre audio : lire ou faire lire son texte?

En présence de :

-    Michèle Moreau, auteure et directrice des éditions Didier Jeunesse
-    Maryam Madjidi, auteure
-    Yves Heck, comédien

On observe un nombre croissant d’auteurs qui lisent et enregistrent eux même leurs textes. Selon Michèle Moreau, l’auteur prend une nouvelle place vis-à-vis de son livre. Il y a un réel désir de scène : en effet, on constate de plus en plus que les auteurs ont envie d’aller jusqu’au bout du processus de création et de porter par la voix ce qu’ils ont écrit.

« Certains auteurs ont un rapport très fort avec leurs publics et font un travail avec un metteur en scène pour travailler sur leur voix, c’est le cas de Susie Morgenstern par exemple. Quand un auteur est auteur de livres sonores, il doit penser d’abord au son. La lecture à voix haute est très importante, il ne faut surtout pas oublier le lien entre le texte et l’oralité.  Le travail de l’éditrice, c’est de faire remarquer à l’auteur un problème dans son texte. Ce qui est amusant c’est que j’ai toujours travaillé avec l’auteur en lisant son texte à voix haute, c’est ma manière de trouver la musicalité et le rythme. C’est pour cette raison que je comprends tout à fait que l’auteur veuille aller au bout du processus en portant son texte à voix haute. Cependant les auteurs ne sont pas comédiens, ce n’est pas leur métier. C’est là que le comédien entre en scène. Pour moi, le comédien, c’est comme un instrument de musique, c’est grâce à lui que la partition prend vie. »

Yves Heck est comédien et a déjà enregistré plusieurs livres audio. Il est par exemple la voix de Charlotte de David Foenkinos.  Avant de se lancer dans l’enregistrement de livres audio, le comédien pratique déjà la lecture à voix haute lors de ses spectacles. En effet, les spectateurs peuvent amener une ou deux pages de littérature que le comédien propose de lire à voix haute. Il est conscient que l’exercice n’est pas facile et prend plaisir à donner une interprétation au texte confié. Il souligne qu’il existe une multitude de lecture possible d’un texte et que le comédien donne une touche personnelle au texte. A la question « Est-ce qu’on peut lire avec succès un mauvais texte ? », il répond que l’interprétation peut être un plus.

Printemps livre audio Heck

Maryam Madjidi est une auteure d’origine iranienne et est également enseignante. Elle s’intéresse depuis très jeune au théâtre, qu’elle considère être un outil fantastique pour tenir la concentration des élèves. Elle a eu envie de donner voix à son propre texte et d’enregistrer le livre audio de son ouvrage, Marx et la Poupée. Elle parle avec des mots forts, pour elle passer devant le micro c’était « passer à l’acte ».

La principale différence entre la lecture à voix haute et l’enregistrement technique du livre audio, c’est le rapport avec le public. Lors de lectures à voix haute, il y a un rapport physique entre l’auteur ou le comédien et l’auditeur. En studio on parle avec le lecteur, dans son oreille, c’est plus intime. La lecture, c’est quelque chose d’éphémère, d’inédit. L’interaction est donc différente, la différence est palpable de la même manière qu’entre l’écoute d’un CD et celle d’un concert. Cependant, il y a aussi des points communs, l’enregistrement du livre audio c’est une interprétation à un moment donné.

Le livre audio jeunesse est un peu particulier. Il est également un objet musical : souvent c’est un duo entre un conteur et un musicien. Pour de la littérature adulte, l’accompagnement sonore est possible mais pas obligatoire. L’objectif du conte musical  comme du livre audio c’est de proposer à l’enfant ou l’audio lecteur un objet à part entière, un objet qui, comme le livre à un commencement et une fin en passant par un développement. Ceci pourrait aujourd’hui surprendre, puisque cela va à l’encontre de la pratique actuelle de l’écoute segmentalisée, la pratique du Best off ou de la playlist par exemple.

En quelques mots, mille lectures d’un même texte sont possibles et il est important de garder la pluralité dans les approches, dans les studios et dans les éditeurs. Il n’y a pas de règle, parfois il est intéressant d’avoir un auteur, parfois un comédien, parfois plusieurs. Les interprétations peuvent être très différentes, et c’est justement la force du livre audio, qui n’est pas un palliatif au livre écrit mais une proposition de lecture et de voix.