Par Joseph Le Corre
Nous sommes installés, depuis 2014, à Korcula, sur l'île du même nom, en Croatie. Kutak knjiga (le coin des livres) est une librairie internationale qui propose des ouvrages dans une douzaine de langues, mais surtout en français, croate, anglais et allemand.
Pour comprendre l'impact de la pandémie sur l'activité de la librairie, il est essentiel de situer son activité, en fait, sa double activité pourrait-on dire :
- Une vente directement à la boutique qui représente 60% environ du chiffre d'affaires
- Des commandes qui nous parviennent par mail, de toute la Croatie.
Chacun de ces segments de ventes est marqué saisonnièrement :
La boutique reçoit principalement des touristes, y compris croates, entre avril et la mi-octobre
Les commandes par mail nous parviennent de toute la Croatie, principalement entre fin septembre et mars.
La Covid-19 en Croatie
La Croatie a été peu touchée directement par le Covid-19, au 29 mai, il avait provoqué 100 décès, pour un pays de 4 millions d'habitants. Le pays a pris rapidement les mesures qui s'imposaient avec fermeture des écoles, confinement et mises en confinement automatique des personnes arrivant de l'étranger, par exemple à Split depuis Ancône depuis l'Italie. Le confinement est terminé, les commerces sont ouverts et aucun cas de Covid n'a été identifié sur l'île de Korcula. Toutefois, le 22 mars dernier, un important tremblement de terre a secoué Zagreb, faisant une seule victime mais d'importants dégâts matériels en plein centre de la capitale, des habitations, des administrations, des écoles sont sérieusement touchées ; coup dur pour le fonctionnement et l'économie du pays.
Les effets de la pandémie commencent maintenant et vont atteindre des sommets au mois de juillet et août alors qu’en Croatie 20% du PIB provient du tourisme ( à raison de 20 millions de touristes pendant l'été).
La librairie est ouverte... et des prévisions difficiles
La situation de la librairie est très simple aujourd'hui, la boutique est ouverte, il n'y a pas de clients sauf ponctuellement, quelques locaux ainsi que quelques commandes qui nous parviennent par mail. 50% de notre chiffre d'affaire dépend du tourisme et les mois de juillet et août à eux seuls font 1/3 du CA. Il est complexe de prévoir quelle sera l'ampleur ou la faiblesse de ce tourisme mais ce sont des pays les plus touchés que proviennent nos clients le plus nombreux, francophones (France, Belgique...) et anglophones (Royaume Uni, USA, Australie...). Des discussions sont engagées entre la Croatie et quelques pays européens peu, ou moins, touchés par le COVID et cela devrait faciliter la venue d'autrichiens, de tchèques, de polonais, d'allemands. Mais les clients pour ces langues sont bien moins nombreux, notre offre bien plus limitée que pour le français et l'anglais et bien entendu les conditions d'approvisionnement plus complexes. Le choc sur la littérature en français et en anglais est donc certain, quasi incompressible et ne pourra en aucun cas être comblé par un afflux hypothétique des clients pour l'allemand, le tchèque et le polonais. Nous proposons certes du chinois, de l'espagnol, de l'Italien mais chacun connait la situation.
Il est d'autant plus sur demain, que pour l'instant il est également difficile d'évaluer l'incidence du séisme de Zagreb sur les commandes de FLE liées aux écoles, aux associations et aux particuliers.
Evidemment ces difficultés économiques auront aussi une influence sur les ventes en croate locales.
S'adapter ...
Les premières adaptations sont la modification des horaires d'ouverture de la librairie et le non recrutement d'une personne supplémentaire l'été. Jusqu'à présent deux personnes travaillaient à la librairie de la mi-juin à la fin septembre et au cœur de l'été, en juillet et août la librairie était ouverte de 9h30 à 20h. En 2020 cela n'aurait pas de sens, il n'y aura donc pas d'embauche complémentaire, la librairie ne sera pas ouverte 7/7 et probablement fermée aux heures creuses de la sieste obligatoire. Pour l'instant nous sommes ouverts de 8h à 16h, mais l'activité d'Ana n'a rien à voir avec l'accueil de lecteurs, ils ne sont pas là ! La situation est tout simplement mise à profit pour mettre à jour l'administration, les bases de données pour être plus opérationnels ensuite. Nous souhaitons aussi améliorer l'offre en croate cette année, pour les touristes du pays, pour les locaux ; pour cela nous renouvelons en rayon les titres les plus demandés l'an passé et affichons les nouveautés des différents éditeurs.
... Et rebondir
Depuis un certain temps déjà la réflexion était latente sur la création d'un site de e-commerce. Quelques éléments plaidaient dans ce sens en particulier le fait que 40% de notre CA se faisait en dehors de Korcula via des commandes par mail et aussi qu'il y avait là un espace de développement sur d'autres langues que le français en particulier pour du parascolaire peu couvert, dans le domaine de l'étude des langues (allemand, italien, espagnol....) et de la littérature dans différentes langues, y compris en français.
La prospection sur ce point a donc été engagée mais elle s’avère complexe entre les obligations légales, la recherche d'un prestataire local, les contraintes linguistiques, l'intérêt économique réel. Le coût de la construction et l'entretien de ce site ne sont-ils pas disproportionnés par rapport au résultat que l'on peut raisonnablement en attendre ?
Peut-on aussi relancer l'hypothèse d'un rayon papeterie ?
L’idée étant de rendre attractif un lieu de vie culturel et plurilingue, pour qu’un jour un repreneur se profile.
Et après
Les aides reçues nous permettent de poursuivre sur la voie que nous avons prise ; aucune enquête ou prédiction ne peut nous dire ce que sera le tourisme international en Croatie cet été. L'aide du CNL qui vient de nous être confirmée nous permet d'aborder les 3 mois à venir sans angoisse supplémentaire. Nous venons aussi de bénéficier d'une subvention croate, attribuée aux entreprises pour le maintien de l'emploi; cette subvention émane du FSE. Ceci me paraît important, la librairie est une librairie internationale, attachée à tout ce que l'Europe représente positivement, c'était d'ailleurs le titre de notre festival littéraire l'an passé Korcula, Centre de l'Europe.
Difficile de prévoir ce que sera l'avenir lorsque le tourisme reprendra, ce ne sont pas forcément les mêmes flux en termes de nationalités, de langues, de forme de tourisme. Mais tout sera fait pour poursuivre. Kutak knjiga est la seule librairie de toutes les îles croates, Kutak Knjiga est la seule librairie qui offre en Croatie un tel choix de langues ; la seule représentante de la langue et de la culture française, pour les touristes, pour l'école française, pour le FLE, pour les francophones de Croatie, nous continuerons de le claironner en 2021 et après !
Par Samar Hoballah
Au début de la pandémie, nous avons fermé et suite aux sollicitations de nos clients, nous avons pris la décision de rouvrir la librairie le 6 avril en mettant en place toutes les mesures d'hygiène : solution hydro alcoolique, masques, assainissement de l'air ambiant par des diffuseurs d'huile essentielle et bien sûr en respectant la distanciation sachant que les clients ne rentraient pas.
Une grande partie du personnel (8 personnes) a eu très peur et a refusé de reprendre le travail ; nous nous sommes arrangés pour que les congés soient pris à ce moment. Par ailleurs, le chiffre d'affaire a baissé d'au moins 80%. Pour garder le contact avec nos lecteurs, nous avons utilisé la communication sur Facebook et Whats App et avons réactualisé notre site en le relookant et en l'améliorant.
Progressivement, des autorisations ont été accordées pour la reprise des différentes activités; pour les librairies officiellement la date était le 26 mai 2020. Nous avons alors communiqué via les réseaux sociaux ou par des petites affiches sur la porte pour repredre un rythme normal.
A Agadir, il y a eu moins de cas qu'à Marrakech, Rabat et Casa, j'espère juste qu'avec le déconfinement, il n'y aura pas une recontamination. Notre clientèle nous a renforcé sa confiance et sa fidélité. Certains nous ont remerciés d'avoir pris le risque d'ouvrir. Les fournisseurs ont été aux abonnés absents, ils reprennent timidement.Tout le monde a vécu à sa manière cette pandémie, et je ne peux en vouloir à personne ......
Par Voahirana Ramalanjaona
En temps de confinement : une adaptation à la crise par des mesures internes à la librairie
Aucune mesure n’a été prise pour les librairies à Madagascar. Nous avons par conséquent fermé la librairie pendant le confinement total. La circulation était interdite pour tout le monde et les mesures imposées : fermeture de tous les commerces mais interdiction aux patrons de faire du chômage partiel ou technique. Le personnel était donc en congés mais a touché un salaire plein jusqu’au 8 mai car le chômage partiel a été décrété à partir du 9 mai. On mesure ainsi à quel point l’impact économique sur la librairie est catastrophique, et à quel point il en va de la survie de la librairie.
Des initiatives prises au sein du groupement de femmes entrepreneuses
Le secteur de la culture n’étant pas important aux yeux du gouvernement, je me suis rapprochée du groupement des femmes entrepreneures qui a adressé de nombreuses doléances aux bailleurs de fond comme à l’ensemble des banques. Ainsi, nous avons obtenu le report des échéances bancaires. Nous attendons la réponse des bailleurs de fond quant à leur participation aux charges patronales.
Un déconfinement sous haute surveillance
Le déconfinement partiel a commencé le lundi 4 mai dernier avec une autorisation d’ouverture en matinée. Le couvre-feu est maintenu de 21h à 5h du matin. Le port du masque est obligatoire pour tous et les transports en commun fonctionnent jusqu’à 15h. Les horaires d’ouverture de la librairie ont été fixées de 8h30 à 13h. Deux masques en tissu ont été distribués à chaque membre du personnel qui doit s’enduire de gel hydro alcoolique à l’arrivée comme après chaque contact avec un client. Une annonce est affichée à l’entrée de la librairie demandant à chaque client d’entrer avec un masque et de se laver avec le gel obligatoirement. La femme de ménage nettoie les poignées de porte et les rampes d’escalier après chaque passage d’un client et un diffuseur d’huile essentielle de ravintsara est disposé au comptoir caisse.
La communication de l’ouverture s’est faite essentiellement sur facebook et par email aux clients fidèles, cependant aucune commande n’est possible dans la mesure où le transport aérien est à l’arrêt. La principale crainte est le fait que les clients touchent les livres, mais nous ne pouvons pas vendre sans permettre aux clients de chercher parmi les rayons car nous n’avons pas de nouveautés.
Les leçons de cette crise sont nombreuses
La plus grande surprise est de constater que la clientèle est changeante en période de crise, la priorité n’est pas à l’achat de livres et nous n’avons pas eu la solidarité que nous attendions.
Les relations avec les fournisseurs sont très disparates, ils ne réagissent pas de la même manière. Quant aux administrations publiques et privées, cette crise fut l’occasion de mesurer la mauvaise foi des institutionnels et des banques : le critère politique prime sur l’humain. Nous remercions certes l’aide du CNL pour l’aide apportée à la librairie mais j’aurais souhaité que cette démarche vienne aussi des institutions culturelles et scolaires françaises locales...
Cette crise a rappelé brutalement combien l’économie d’une librairie est fragile car on se cachait souvent les yeux au profit de la passion. Il fut très difficile de demander de l’aide sans avoir l’impression de mendier et c’est vraiment humiliant de devoir justifier les besoins tellement la situation est irréelle. Comme quoi, la passion ne suffit pas face au règne de l’argent ...
Par Ngartara NGARYENGUE, directeur de la librairie la Source
Un service minimum dans un contexte de grave crise financière
Au Tchad, aucune mesure n’a été prise si ce n’est la suspension de contrôle des impôts. Mais nous avons décidé de fermer la librairie suite aux communiqués du ministre d’Etat suspendant tous les commerces depuis le 23 mars 2020 jusqu’à nouvel ordre et n’autorisant que l’ouverture des pharmacies et commerces d’alimentation.
Nous avons fermé durant 2 mois en travaillant de la maison mais j’ai instauré un service minimum à l’intérieur qui permet de maintenir la librairie opérationnelle et faire quelques recettes, cela rassure les fournisseurs. Un agent de sécurité surveille l’entrée pour vérifier que les gestes barrières sont respectés : lavage de main au savon et port de masque avant d’être autorisés à entrer.
La librairie la Source n’arrive pas à payer le salaire du mois d’avril de son personnel qui est de 1985,74€ mensuel. Les autres mois sont donc très liés à d’éventuelles aides ou à une possible réouverture. En effet, si une aide substantielle d’urgence de 30.000€ ne vient pas soulager nos dettes, on perdra la garantie COFACE et craignons un dépôt de bilan. D’autant qu’aucun fond n’a été mis à notre disposition localement. Pour la petite histoire, notre véhicule de livraison a été arrêté par la police qui nous a contraints à payer une amende forfaitaire de 150 € avant d’être libéré.
Un déconfinement partiel lancé le 25 mai mais une angoisse permanente
Le lundi 25 mai, le gouvernement a décidé d'un deconfinement partiel. Les écoles sont toujours fermées et le couvre-feu est reconduit pour 2 semaines. Ce qui n'arrange pas trop les affaires car notre activité est liée aux écoles. Depuis le 15 que nous avons rouvert et les visites se font timidement. D’autant que récemment encore le taux des contaminés augmentait. Il faut admettre que la tension est palpable chez les clients …Si le covid19 peut se transmettre à travers le papier, le toucher etc. Tout le monde a peur ! Les visites se sont de plus en plus rares. On parle de plus en plus d’un enseignement à distance et on se questionne sur la place qu’occupera le livre dans les jours ou années à venir.
Les fournisseurs ne cessent de nous relancer. Tous nous demandent de faire un effort mais sans vente, il est difficile de faire plus d’efforts que ce que nous faisons…Quant aux institutionnels, à part le CNL qui a pris l’initiative d’aider les libraires francophones et nous les en remercions chaleureusement car cela va nous permettre de payer une partie des arriérés, notre encours en fin avril était de 56.692€. Je voudrais écrire à tous les partenaires pour leur informer de la situation de la librairie la Source.
Aux bonnes volontés de nous venir en aide.
Plusieurs mesures de lutte contre l’épidémie ont été prises dès la fin mars : fermeture des frontières, des lieux de culte et des écoles, état d'urgence, couvre-feu, isolement de Niamey du reste du pays. Mais la levée du couvre-feu du 13 mai a permis de reprendre le cours des choses et l’ouverture des écoles est prévue pour le 1 juin.
Par Binta Tini
Sous l’état d’urgence, j’ai décidé de réaménager les horaires, en demi-journée, de 8 H à 13 H fermant ainsi l’après-midi. La baisse de fréquentation et donc du chiffre d’affaires m’a contraint à ne garder qu’un employé sur deux. Pour s’adapter à cette baisse de CA, j’ai décidé de reverser mon salaire de directrice à la librairie sachant qu’il n’existe aucun fonds localement et aucune connaissance de la chaine du livre.
Mais ce qui m’a le plus découragé sincèrement c’est un courrier envoyé par notre ministère de tutelle à l’association des libraires nigériens lançant un appel à contribution demandant aux libraires de mettre à la disposition des personnes confinées atteintes du Covid 19, des ouvrages, sans penser à un moment donné qu’il y avait une chaine du livre derrière et l’économie d’une filière qu’il fallait respecter.
Malgré cela, j’ai ré ouvert la librairie le 18 mai en proposant de nouveaux les anciens horaires : 8-13 et 15-18H.
Le gouvernement marocain annonce ce jour, mardi 26 mai 2020, par la voix de son ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Othman El Ferdaous, la possible réouverture des kiosques et librairies sans autorisation préalable alors qu’un déconfinement était prévu initialement le 10 juin. Etonnant car ces dernières n’avaient reçu aucune consigne les concernant le 20 mars (seuls les commerces de bouche et de première nécessité, comme les pharmacies, marchés, pouvaient rester ouverts). Devant le peu d’informations les concernant les libraires ont agi au cas par cas.Donnons la parole à Stéphanie Gaou, directrice des Insolites à Tanger.
©David Koneckny
J’ai fermé la librairie le 18 mars 2020, voyant que le Maroc entrait dans une phase de confinement intensive à quelques jours du ramadan (qui est en temps normal, une période assez peu faste pour les librairies ici). D’un côté, j’ai fermé pour protéger ma collaboratrice et moi-même, et de l’autre, pour protéger la clientèle. A ce moment-là, nous ne savions pas vraiment quoi faire pour garantir une sécurité sanitaire fiable. J’ai préféré fermer.
S’adapter en travaillant son fonds, en créant des sélections sur les RS, des conseils personnalisés, une opération de parrainage
Cela a été très difficile les deux premières semaines de confinement. Rester loin de la librairie sans voir ma clientèle et les habitués, ce fut un coup dur. Je n’ai pas de site marchand, je communique juste sur Instagram & Facebook, je ne savais pas comment rendre accessible mon stock. J’avais calculé que je pourrai tenir financièrement jusqu’au 30 avril 2020 en restant fermée, c’est-à-dire que je pourrai assurer les charges fixes et le salaire de ma collaboratrice, mais quand j’ai vu la date du 30 avril arriver à grands pas, j’ai décidé de rouvrir le 1er mai. J’ai profité du confinement pour lire ou relire le fonds de la librairie, et reprendre les sélections de la librairie, comme je le fais d’habitude en vrai. J’ai essayé les vidéos, mais je trouve ça trop laborieux et je ne suis pas à l’aise. Du coup, quelques jours avant le 1er mai, j’ai relancé l’idée de faire des livraisons et envoi de colis dans tout le Maroc.
Plusieurs projets ont vu le jour : les sélections sur les réseaux sociaux, des conseils personnalisés via whatsapp avec mes clients réguliers, une opération de parrainage pour les clients qui ne sont pas à Tanger et qui peuvent à la fois soutenir la librairie en finançant des lots de livres pour des lecteurs qui aiment lire mais n’ont pas toujours les moyens de consacrer des sommes à l’acquisition de livres. Après avoir reçu quelques dons, je lance concrètement l’opération cette semaine.
Mais de lourdes conséquences économiques et humaines et très peu d’aides locales
Le chiffre d’affaires est presque identique à celui de l’année dernière en mars, mais le C.A. 5 fois moins important en avril 2020 (par rapport à 2019). Il va falloir travailler plus cette année, je n’envisage pas de repos et ne pourrai pas prendre autant de risques au niveau des achats de livres, sachant que je n’ai quasiment pas d’office.
Au niveau des banques, il y a un produit pour les TPE/PME, qui s’appelle Damane Oxygène (une sorte de crédit avec un taux d’intérêt pas si avantageux que ça) pour aider à payer les charges fixes de la librairie sur 3 mois. La demande est laborieuse, je n’ai encore rien obtenu. Et la CNSS (sécurité sociale) assure 2000 dhs par mois pour les salariés qui n’ont pas travaillé. C’est peu encore. Rien d’autre. Depuis quelques jours, des amis très proches ont décidé de lancer une opération solidaire pour le lieu avec des artistes pour organiser une vente dont les fonds aideraient le lieu à maintenir une activité décente.
En ce qui concerne les fournisseurs, beaucoup ont cessé leur activité pendant le confinement et travaillent depuis leur maison. Il est quasiment impossible de commander des ouvrages nouveaux, à part avec un distributeur qui, lui, n’a jamais cessé son activité. Je reprends peu à peu (et prudemment) des commandes pour mes clients favoris.
Des craintes de perdre l’identité d’un lieu culturel d’échanges artistiques
Sur le court-terme, nous avons dû annuler plusieurs dédicaces d’auteurs, des expositions car la librairie fait également office de galerie, et j’avais prévu un programme artistique jusqu’à octobre 2020 que j’ai dû annuler (billets d’avion perdus, etc.). Sur le long-terme, mon lieu n’a de sens que s’il est fréquenté. J’ai tout misé sur la convivialité du lieu, sa décoration, son style, sa possibilité de faire converger les désirs des artistes avec ceux des clients. Si ces derniers ne peuvent plus le fréquenter comme avant, ce ne sera plus aussi agréable de travailler.
Les gens ont l’air rassurés à la librairie, mais on les sent peureux. Dans l’ensemble, tout le monde se félicite de nous voir ouverts, et respecte très bien les mesures de confinement, mais ce n’est plus du tout aussi chaleureux qu’avant. Nous-mêmes faisons tellement attention à ne pas être des sources de contamination que nous en oublions parfois notre sympathie et désir de partager nos lectures. Nous avons gagné une clientèle hors les murs puisque peu de librairies ont maintenu leur activité, mais j’ai bien peur que cela ne durera pas. Et pourtant, je suis très heureuse de développer un nouveau réseau de lecteurs/lectrices, très pointu.
Nouvelles initiatives : « click and go »
Nous avons rouvert le 1er mai en service « click & go ». Les clients demandent des livres via les réseaux sociaux, nous préparons les livres 48h à l’avance en prenant toutes les mesures sanitaires (port de masque, lavage régulier des mains, gel, etc.). Les clients peuvent venir les chercher du lundi au vendredi de 10h à 15h où nous organisons des livraisons tous les jours sur Tanger. Une fois par semaine, nous organisons des envois de colis sur tout le Maroc avec le service express de la poste marocaine. Les clients n’ont pas le droit d’entrer dans la librairie (sauf pour les règlements par carte bleue), ils ne peuvent pas toucher les livres. Nous nettoyons tous les jours la librairie (sol avec produit sanitaire, machine CB, consoles, claviers d’ordinateurs, etc.)