Association Internationale des Libraires Francophones

 Laurence

Par Laurence Kneuss

Cela fait quatre mois aujourd’hui que j’ai quitté Raleigh pour revenir en France le temps de rendez-vous et de retrouvailles familiales. Je ne pensais pas avoir quatre mois pour faire le tour de mes parents, enfants et amis en leur demandant d’avoir la gentillesse de m’héberger ! Le 17 mars, D. Trump a pris unilatéralement la décision de fermer les frontières américaines à l’Espace Schengen et malgré mon visa valide, me voici coincée en France. J’avais laissé la librairie aux mains de mon mari l’Epicier, très content de “jouer” au libraire pour quelques jours… non pour quelques mois !

Un service en "pick-up" et un site permettant de garder le lien

Devant la montée du Covid, le Gouverneur de Caroline du Nord a décidé de fermer les magasins non essentiels à compter du 13 mars. La librairie a donc fermé ses portes même si l’épicerie a pu continuer de fonctionner, aidée par la vente de quelques galettes et crêpes, en “pick-up”. Oui, mon mari a plusieurs tours dans son sac : il cuisine très bien ! Le site internet a joué son rôle : les clients se sont mis à passer leur commande par ce biais. Fromages… et Livres, vins et… livres ! Ils ont pioché dans le stock de la librairie qui commence doucement à s’amenuiser..

Certains livres sont manquants, il faut les remplacer par d’autres titres… Par Whatsapp, par email, mon mari m’envoie les demandes des clients avec lesquels je conserve ainsi un semblant de contact… Je peux enfin rompre mon hébétude et exercer mon métier même à des milliers de kilomètres ! Avec quelques heures de retard mais toujours là, fidèle au poste, car cela me persuade qu’il faut conserver le moral et la passion malgré tout!

Une ré ouverture mais une réception qui tarde et un transport dont le cout a doublé dans un contexte d'abscence d'aide de l'etat

La librairie a rouvert ses portes le 20 avril mais les clients restent peu nombreux. Ils préfèrent la virtualité et le site internet (librairie et épicerie confondues) nous permet de survivre. Mon mari envoie les commandes par la poste ou va les livrer. La demande est diverse et lorsque les livres manquent à l’appel, les clients nous confirment qu’ils peuvent attendre leur arrivée… dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois… Nous ne pouvons leur fournir une date car malheureusement, les vols Paris / New York sont rares et nous n’avons aucune information. Le prix du transport a doublé. De nouveaux clients nous contactent : Ah bien sûr ! Nos compatriotes sont bloqués aux USA et sans visite d’amis ni de famille pour transporter les livres dans les valises ! Voilà qu’ils nous découvrent… Le Covid aurait-il un bon côté ? mais pas certaine que cela dure… Nous ne percevrons pas d’aide de l’Etat de Caroline du Nord ni de l’Etat Fédéral puisque nous ne sommes pas américains et n’avons pas de salariés. Heureusement, nous avons bénéficié de l’aide exceptionnelle du CNL qui nous a permis d’honorer certaines factures.

Gérer une librairie à distance...et travailler davantage avec les librairies indépendantes du terriroire 

Durant ce temps loin de Raleigh, que je sois à Tours, Fontainebleau, Lyon, Fréjus, Pignans ou Saint-Etienne et maintenant dans le Jura, (c’est pour que vous vous rendiez compte combien mon errance est grande !!) je me décide à regarder dans le blanc des yeux les défauts de ma librairie (en même temps, je n’ai presque que ça à faire !). Et il y a de nombreuses choses à revoir : notre politique de prix, la création d’une newsletter, réimaginer les lectures enfants et autres évènements proposés, la création d’un blog bilingue…..

Dans ce même mouvement, j’ai pris contact, par zoom, avec Jennifer de “Bonjour Books” installée dans le Maryland. Nous avons décidé de mettre nos forces en commun : avant de commander en France, vérifier si l’une a dans son stock le livre qui manque à l’autre ; nous réunir pour offrir nos services aux Alliances Françaises, Consulats, Ecoles et Lycées français qui vont sûrement tout faire pour nous aider à sortir de ce marasme…., demander en commun les aides pour l’accueil des auteurs et permettre ainsi une visite à nos deux librairies… Les idées ne manquent pas….

Une chaine de solidarité qui dépasse le milieu de la librairie et concerne les ressortissants français attendant de pouvoir rentrer sur le sol américain 

En attendant, si mon visa est tout à fait valide, je ne peux rentrer chez moi puisque le “ban” américain envers l’Espace Schengen reste d’actualité. Je pense retourner à Raleigh en passant par un pays tiers (Croatie, Serbie, Turquie…). Il me faudra y rester quatorze jours avant d’avoir le droit de me présenter aux services de l’immigration sur le sol américain (en espérant qu’ils ne me refoulent pas !!). L’absence d’information est cruelle, tant du côté américain que du côté européen, les incertitudes sont grandes et comme aucune date d’ouverture ne nous est fournie, nous ne savons pas quelle décision prendre!  Je dis “nous” car je ne suis pas la seule dans ce cas. Nous nous sommes fédérés sur deux groupes Facebook et twittons des milliers de messages chaque jour aux autorités compétentes, référencés sous différents hashtags! J’ai contacté Marie CHARREL, autrice d’Une Nuit avec Jean Seberg, marraine de ma librairie et journaliste au Monde. Elle va rédiger  un article sur notre situation, en reprenant les témoignages de plusieurs d’entre nous. 

Même si je ne peux y être physiquement, la librairie est présente dans ma vie de chaque jour malgré les hauts et les bas qu’engendre ce double confinement : celui qu’à vécu ma librairie et celui que je vis à des kilomètres d’elle. Qu’elle est difficile cette époque et qu’il tarde à venir le feu vert pour rentrer à Raleigh, retrouver ma librairie et mon mari grâce à qui elle peut continuer de vivre…

Donald, dépêche-toi, toi qui as la clé, d’ouvrir la porte des USA !

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 luis colombie luis

Par Luis Suarez, nouvelle librairie de Bogota, Colombie

 

Suite à une décision du maire de Bogotá le 20 mars, nous avons dû fermer la librairie le 19 mars au soir. Le dimanche 22 mars, une déclaration présidentielle a ordonné un prolongement du confinement jusqu’au 13 avril, avec de fréquentes reconductions de 15 jours supplémentaires, jusqu'au 15 juin. Pendant ce temps, les ventes par Internet étaient faibles car la plupart des gens donnaient la priorité aux produits vitaux.

 

Au cours du dernier mois, le président a réactivé l'économie par secteur et les librairies ont pu ré ouvrir à partir du 15 mai à la condition que les protocoles de sécurité soient officialisés par la mairie de Bogotá et les autorisent à ré ouvrir. Nous avons reçu cette autorisation le 22 mai et notre librairie a ré ouvert de midi à 16 h, du lundi au samedi. En plus des horaires réduits, les personnes sont autorisées à faire leurs courses selon leur numéro de carte d'identité. Les personnes dont le numéro termine par un chiffre pair peuvent sortir un certain jour et celles dont le numéro termine par un chiffre impair un autre jour. Le tout pour réduire encore le flux de passants dans les rues.

 

Mais le plus décourageant est la tentative de partenariat dès février avec une école qui allait développer des cours de français ce qui nous a conduit à importer environ 600 livres. Ces livres nous sont parvenus à la mi-mars, mais en raison du confinement, le président a déployé les classes à distance en passant par les plateformes Internet. Résultat : cette école a pris la décision d'annuler les activités prévues pour cette année, car l'espace via Internet leur suffisait et nous nous sommes retrouvés avec cette commande stockée dans notre entrepôt. Malgré nos tentatives pour l'offrir à d'autres établissements sans succès, les échéances de paiement se rapprochent sans que nous ayons les moyens d’honorer leur règlement. Cet établissement n’a pas réalisé dans quelle situation cela nous mettait, notre entité privée fonctionnant avec nos seuls revenus liés à la vente des livres. Pour cette année, toutes les écoles continueront dans des classes à distance.

 

Aujourd’hui, les ventes se sont un peu améliorées, les lecteurs traditionnels sont revenus, nous savons que peu à peu nous sortirons de cette impasse. Pour l'instant, nous allons nous rediriger vers les écoles et universités qui devraient reprendre en espérant qu’elles ne miseront pas uniquement sur le travail virtuel mais aussi sur les livres papier.

 

 Mexique Photo Libreria Francesa

Par Julieta Salgado, Librería Francesa, Mexico, Mexique

Le confinement
Au Mexique, les précautions liées au Coronavirus concernent l’ensemble du secteur culturel. Toutefois, récemment, dans le journal El Excelsior, presque la moitié des librairies du quartier ne pourront pas ré ouvrir et n’arrivent pas à couvrir les salaires, le prix des logements ce qui nous confère un grand sentiment de solitude.
Notre librairie se trouve dans un centre commercial donc la direction nous a donné l’opportunité d’avoir des rendez-vous à porte fermée, jours et horaires réduits. J’ai fermé uniquement la première semaine mais cela semblait insuffisant donc j’ai pris des rendez-vous les mardis et jeudis de midi à seize heures. J’ai beaucoup communiqué avec nos contacts via la page Facebook et réalisé des envois à domicile ou personnellement déposé les livres lorsque les clients n’habitaient pas loin de la librairie.
Le deuxième point de vente est fermé depuis un mois. A présent, les livres sont chez moi car je n’arrive pas à payer deux locations. Mais le plus difficile a été de licencier une de mes collaboratrices. Toutefois, en étant bénéficiaire d’une aide exceptionnelle du CNL, j’ai pu honorer certaines factures car en dehors de cette aide, aucun soutien local n’est possible.

Le déconfinement
Des protocoles sanitaires ont été diffusés incluant l’usage d’un masque obligatoire, le respect de la distanciation d’un mètre, le lavage des mains, les horaires décalés, le télétravail pour beaucoup d’entreprises, les classes virtuelles. Mais la librairie est très petite (28 m²) d’où la nécessité d’avoir un seul client à la fois. Pour respecter aussi cette distanciation, nous devons être une seule libraire à la fois, donc nous travaillons une journée sur deux, avec des horaires réduits.
Le plus difficile est sans doute la pression des clients à cause des délais, de la distance ou bien du temps pour attendre en dehors de la librairie, nous habitons dans une ville très grande, ce qui génère du stress.

Certains clients se montrent cependant solidaires et les institutionnels en France comme le CNL l’ont également été mais au Mexique, nous n’avons aucun soutien.

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 Photo de Silvia

Par Silvia Monteil, directrice de la librairie française de Sao Paulo

En confinement depuis mi-mars avec des fermetures d’établissements et aucune aide prévue par le gouvernement pour les librairies

La Livraria Francesa a été fondée en 1947 à São Paulo, quatrième plus grande ville au monde et capitale économique de l’Amérique latine. Depuis quelques années, nous avons ouvert des petits points de vente dans des Alliances Françaises (2 à Rio, un à Brasília et 2 à São Paulo). Au Brésil, le confinement résultant de la pandémie Covid-19 est obligatoire et la librairie et ses points de vente sont férmés depuis mi- mars ce qui aura occasionné une fermeture de la librairie de 3 mois. Le nombre de morts dû au Covid 19 ne cesse pas d'augmenter et São Paulo est l'épicentre de la pandémie au Brésil...

Le gouvernement n'a pas prévu d’aides spécifiques pour les librairies. Les aides que nous avons reçues nous ont permis de reporter le paiement de certains impôts et les salaires des collaborateurs pendant deux mois (peu importe quel type de commerce).

La pandémie a commencé en même temps que la rentrée scolaire, juste au moment des meilleures ventes de l'année. Écoles, Alliances françaises et universités sont fermées, sans date prévue pour le retour des activités de classe. Quelques foires et expositions ont été annulées. Nous avons été contraints de fermer la librairie.

Un travail en librairie à portes fermées avec une perte des ventes de plus de 80% et un taux de change en hausse de 40%

Nous avons décidé de travailler à portes fermées quelques heures par jour seulement 3 fois par semaine pendant tout le confinement. Les clients peuvent nous contacter par télephone, e-mail, réseaux sociaux et whatsapp. Notre site internet ne fonctionne pas depuis le mois de janvier, car l'enterprise qui faisait son entretien a fait faillite!

Les ventes ont chuté de 80%. En outre, les taux de change ont beaucoup augmenté depuis le début de la pandémie, la hausse atteint presque 40% depuis le mois de janvier, ce qui fait une enorme augmentation des dépenses mensuelles de la librairie rendant difficile le paiement des fournisseurs en France. Une vraie catastrophe !

Pour le moment, on pense fermer quelques points de vente (à Rio, Brasília et à São Paulo). Au moins quatre personnes devront être renvoyées, malheureusement. Nous devons nous concentrer sur les ventes en ligne et déménager vers des locaux moins chers. Nous travaillons en ce moment sur un nouveau site internet qui va commencer à fonctionner dans quelques semaines.

Ici au Brésil, malheureusement il n'existe pas un plan pour le déconfinement

Le déconfinement a commencé à São Paulo le mercredi 10 juin 2020, malgré le nombre de cas de Covid-19 qui ne cesse pas d'augmenter... Peut- être serons-nous obligés de fermer tout le commerce à nouveau dans quelques jours. L’ouverture des magasins est possible de 11h à 15 h seulement. Quant aux écoles et universités, aucune prévision de reprise des activités.

Quant à l’avenir…si nous sommes solidaires les uns des autres, il sera moins sombre

Nous n'avons plus jamais fait des commandes en France, et les frais pour une importation aérienne sont devenus hors de prix (3 fois plus!). Une importation par bateau est possible, mais les livres mettent presque 3 mois pour arriver.

Nous espérons surmonter ce moment très difficile. Nous espérons que ce sera un moment d'unité pour les institutions françaises ici au Brésil. Il serait temps pour les lycées, les Alliances Françaises, les consulats, les ambassades, etc. d'encourager les achats via notre librairie, qui a toujours été un porte-parole de la pensée française au Brésil.

 Photo de Ramon

Par Ramon Mena

Une adapation nécessaire au confinement

A l’échelle nationale, des restrictions de déplacement ont été mises en place certains jours de la semaine, sans possibilité d'ouvrir les weekends.

En ce qui concerne la librairie, nous n'avons pas fermé, seulement réduit les horaires de travail pour éviter des engorgements dans les transports publics et avons diminué le nombre de personnes à la librairie en présentiel en proposant du télétravail. 

Cela a demandé beaucoup de temps pour établir des process informatiques notamment pour envoyer par courriel les livres avec des tarifs spéciaux. Malgré cela, nous avons enregistré une diminution des ventes de 40% sachant qu’aucune aide locale n’est possible. Mais nous continuons de réfléchir à de nouvelles manières de garder le lien avec les lecteurs et avons mis au point des rencontres en visio conférences avec des auteurs notamment et avons perfectionné la boutique en ligne de la librairie.

Mais une difficulté à préparer dé confinement sans visibilité sur la sortie de crise

Nous attendons la possibilité de pouvoir rouvrir les weekends et le retour des cours dans les universités et écoles en présentiel. Bien évidemment, il a fallu investir davantage en communication via les réseaux sociaux autour des mesures sanitaires prises dans la librairie, avec Facebook et Instagram. 

Il est aujourd’hui difficile d’envisager la fin de la crise, sans vaccins. Les envois de livres sont suspendus et il est difficile d’imaginer que le commerce à l’échelle nationale et internationale reprenne rapidement.

Les leçons et recommandations tirées de ces expériences

Nous essayons d'être plus proches d'une approche virtuelle, mais c'est compliqué de remplacer la spontanéité des échanges en librairie. Il faudrait améliorer la communication avec les fournisseurs mais nous avons aussi d’énormes problèmes au niveau du transport.Nous continuons de bien communiquer avec nos interlocuteurs institutionnels. La coopération, la compréhension et la solidarité se sont renforcées dès le début de la crise. 

 Monica juin 20 2 Monica juin 20

Par Mónica Freyre

Un des confinements le plus long du monde …entamé le 19 mars et prévu jusqu’au 28 juin

Nous avons fermé totalement la librairie à partir du vendredi 19 mars 2020 car tout le pays se trouvait confiné, sauf les personnes exerçant des métiers de première nécessité. Ensuite, nous avons pu mettre en place un système de vente par internet, avec un système de livraison à domicile ou de retrait des colis sur place en respectant la distanciation sociale (pas plus de deux personnes en librairie).

Une angoisse palpable rendant difficile les conditions de travail

Quand nous avons eu le choix de travailler avec le système de livraison, nous avons décidé d´ouvrir. Il fallait faire face à un avenir incertain, mais aussi à une réalité économique et sociale concrète. Il fallait résister sans perdre de vu notre âme : continuer à diffuser la littérature et la culture. La situation n´a pas été facile, car il y avait beaucoup d’inquiétude et une grande détermination pour venir travailler sur place, je dirai même que la méfiance et l´anxiété se sont installées au sein de l’équipe. D´ailleurs, un jeune libraire n´est plus retourné à son poste de travail. Nous prenons la désinfection de notre librairie très au sérieux.

Mais des ressources pour mettre au point une présence virtuelle via tous les réseaux sociaux, le site

Nos trois enfants, depuis toujours concernés ​par nos projets, ont mis en avant la nécessité de continuer à « exister » sous un nouveau format « virtuel ». Nous avons mis toute notre énergie « familiale » pour mettre au point le site web de la librairie et développer la communication avec les clients à travers les réseaux sociaux, des newsletters et le site on-line. Avec enthousiasme, nous nous sommes lancés dans cette nouvelle aventure.

Un contexte préoccupant d’un point de vue social

Au sein de la ville, des « Sans domicile fixe » prennent place, les lits s´étalent…pas loin de la librairie. L´alliance française est fermée or le public de l´Alliance est notre public. On s´interroge : reviendrons-nous assez vite à la normalité  même si pour ce qui nous concerne, une aide de l’état prend en charge 50 % des salaires du mois de mai et juin ?

Un dé confinement focalisé et sélectif alors que nous sommes pétris de questions sur notre avenir                                    

Les cas de Covid 19 augmentent tous les jours, il y a un changement de stratégie, des nouvelles mesures dictées par le gouvernement, on va doucement vers un déconfinement focalisé et sélectif. Mais plusieurs craintes s’installent, d´abord une sensation que le monde ne sera plus le même. Et puis, même supposant un autre monde, plus de questions que de certitudes : allons-nous retrouver le quotidien connu au sein de notre fonction ? Nous, libraires, sommes habitués à manipuler les livres, animer les vitrines, conseiller nos lecteurs, accueillir des auteurs et faire des projets en présentiel. Allons-nous basculer vers le virtuel sans retour ? Quels seront les enjeux économiques à venir ? etc.

Mais nous continuons notre mission de passeurs de textes et d’animateur culturel

Notre dynamisme au sein de la librairie avec l’équipe nous a encouragés à aller vers une sortie de crise. Il était nécessaire de continuer à jouer le rôle d’éclaireur, de « passeurs de textes », dans cette période anxiogène d’enfermement, l’essentiel était de garder le contact avec le public, d´interagir ensemble de manière vivante sur l’espace virtuel. Nous avons, par exemple, associé pour des concours littéraires, l´éditeur Riverside qui a participé au prix, avons lancé une activité créative autour de la phrase : « Du plus loin que je me souvienne… » pour nos lecteurs qui a réuni une centaine de personnes.

 
 
 

Lien vers le portrait de la librairie

 

La peste de Camus, un livre phare….

« Le 20 mars 2020, la Cour de cassation pénale de Buenos Aires a rendu un arrêt relatif à l’utilisation de téléphones portables par les prisonniers des unités pénitentiaires. Il n'est pas étonnant qu'en cette période, Albert Camus trouve sa place au sein même des juridictions chargées de rendre la justice. En effet, le juge en question a fini sa décision, en soulignant que « compte tenu de la gravité des circonstances que nous avons à vivre, nous devons aller jusqu’à l’extrême de notre sens l’humanité pour au moins essayer de ne pas faire partie de l’univers décrit par Albert Camus, selon lequel : Le pire de la peste n’est pas qu’elle tue des corps, mais qu’elle dépouille les âmes, et ce spectacle est généralement horrifiant ».

  1 Kutak Knjiga dec 17

Par Joseph Le Corre

Nous sommes installés, depuis 2014, à Korcula, sur l'île du même nom, en Croatie. Kutak knjiga (le coin des livres) est une librairie internationale qui propose des ouvrages dans une douzaine de langues, mais surtout en français, croate, anglais et allemand.

Pour comprendre l'impact de la pandémie sur l'activité de la librairie, il est essentiel de situer son activité, en fait, sa double activité pourrait-on dire :
- Une vente directement à la boutique qui représente 60% environ du chiffre d'affaires
- Des commandes qui nous parviennent par mail, de toute la Croatie.
Chacun de ces segments de ventes est marqué saisonnièrement :
La boutique reçoit principalement des touristes, y compris croates, entre avril et la mi-octobre
Les commandes par mail nous parviennent de toute la Croatie, principalement entre fin septembre et mars.

La Covid-19 en Croatie
La Croatie a été peu touchée directement par le Covid-19, au 29 mai, il avait provoqué 100 décès, pour un pays de 4 millions d'habitants. Le pays a pris rapidement les mesures qui s'imposaient avec fermeture des écoles, confinement et mises en confinement automatique des personnes arrivant de l'étranger, par exemple à Split depuis Ancône depuis l'Italie. Le confinement est terminé, les commerces sont ouverts et aucun cas de Covid n'a été identifié sur l'île de Korcula. Toutefois, le 22 mars dernier, un important tremblement de terre a secoué Zagreb, faisant une seule victime mais d'importants dégâts matériels en plein centre de la capitale, des habitations, des administrations, des écoles sont sérieusement touchées ; coup dur pour le fonctionnement et l'économie du pays.
Les effets de la pandémie commencent maintenant et vont atteindre des sommets au mois de juillet et août alors qu’en Croatie 20% du PIB provient du tourisme ( à raison de 20 millions de touristes pendant l'été).

La librairie est ouverte... et des prévisions difficiles
La situation de la librairie est très simple aujourd'hui, la boutique est ouverte, il n'y a pas de clients sauf ponctuellement, quelques locaux ainsi que quelques commandes qui nous parviennent par mail. 50% de notre chiffre d'affaire dépend du tourisme et les mois de juillet et août à eux seuls font 1/3 du CA. Il est complexe de prévoir quelle sera l'ampleur ou la faiblesse de ce tourisme mais ce sont des pays les plus touchés que proviennent nos clients le plus nombreux, francophones (France, Belgique...) et anglophones (Royaume Uni, USA, Australie...). Des discussions sont engagées entre la Croatie et quelques pays européens peu, ou moins, touchés par le COVID et cela devrait faciliter la venue d'autrichiens, de tchèques, de polonais, d'allemands. Mais les clients pour ces langues sont bien moins nombreux, notre offre bien plus limitée que pour le français et l'anglais et bien entendu les conditions d'approvisionnement plus complexes. Le choc sur la littérature en français et en anglais est donc certain, quasi incompressible et ne pourra en aucun cas être comblé par un afflux hypothétique des clients pour l'allemand, le tchèque et le polonais. Nous proposons certes du chinois, de l'espagnol, de l'Italien mais chacun connait la situation.
Il est d'autant plus sur demain, que pour l'instant il est également difficile d'évaluer l'incidence du séisme de Zagreb sur les commandes de FLE liées aux écoles, aux associations et aux particuliers.
Evidemment ces difficultés économiques auront aussi une influence sur les ventes en croate locales.

S'adapter ...
Les premières adaptations sont la modification des horaires d'ouverture de la librairie et le non recrutement d'une personne supplémentaire l'été. Jusqu'à présent deux personnes travaillaient à la librairie de la mi-juin à la fin septembre et au cœur de l'été, en juillet et août la librairie était ouverte de 9h30 à 20h. En 2020 cela n'aurait pas de sens, il n'y aura donc pas d'embauche complémentaire, la librairie ne sera pas ouverte 7/7 et probablement fermée aux heures creuses de la sieste obligatoire. Pour l'instant nous sommes ouverts de 8h à 16h, mais l'activité d'Ana n'a rien à voir avec l'accueil de lecteurs, ils ne sont pas là ! La situation est tout simplement mise à profit pour mettre à jour l'administration, les bases de données pour être plus opérationnels ensuite. Nous souhaitons aussi améliorer l'offre en croate cette année, pour les touristes du pays, pour les locaux ; pour cela nous renouvelons en rayon les titres les plus demandés l'an passé et affichons les nouveautés des différents éditeurs.

... Et rebondir
Depuis un certain temps déjà la réflexion était latente sur la création d'un site de e-commerce. Quelques éléments plaidaient dans ce sens en particulier le fait que 40% de notre CA se faisait en dehors de Korcula via des commandes par mail et aussi qu'il y avait là un espace de développement sur d'autres langues que le français en particulier pour du parascolaire peu couvert, dans le domaine de l'étude des langues (allemand, italien, espagnol....) et de la littérature dans différentes langues, y compris en français.
La prospection sur ce point a donc été engagée mais elle s’avère complexe entre les obligations légales, la recherche d'un prestataire local, les contraintes linguistiques, l'intérêt économique réel. Le coût de la construction et l'entretien de ce site ne sont-ils pas disproportionnés par rapport au résultat que l'on peut raisonnablement en attendre ?
Peut-on aussi relancer l'hypothèse d'un rayon papeterie ?
L’idée étant de rendre attractif un lieu de vie culturel et plurilingue, pour qu’un jour un repreneur se profile.

Et après
Les aides reçues nous permettent de poursuivre sur la voie que nous avons prise ; aucune enquête ou prédiction ne peut nous dire ce que sera le tourisme international en Croatie cet été. L'aide du CNL qui vient de nous être confirmée nous permet d'aborder les 3 mois à venir sans angoisse supplémentaire. Nous venons aussi de bénéficier d'une subvention croate, attribuée aux entreprises pour le maintien de l'emploi; cette subvention émane du FSE. Ceci me paraît important, la librairie est une librairie internationale, attachée à tout ce que l'Europe représente positivement, c'était d'ailleurs le titre de notre festival littéraire l'an passé Korcula, Centre de l'Europe.
Difficile de prévoir ce que sera l'avenir lorsque le tourisme reprendra, ce ne sont pas forcément les mêmes flux en termes de nationalités, de langues, de forme de tourisme. Mais tout sera fait pour poursuivre. Kutak knjiga est la seule librairie de toutes les îles croates, Kutak Knjiga est la seule librairie qui offre en Croatie un tel choix de langues ; la seule représentante de la langue et de la culture française, pour les touristes, pour l'école française, pour le FLE, pour les francophones de Croatie, nous continuerons de le claironner en 2021 et après !

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Par Samar Hoballah

 Samar Hoballah 2

Au début de la pandémie, nous avons fermé et suite aux sollicitations de nos clients, nous avons pris la décision de rouvrir la librairie le 6 avril en mettant en place toutes les mesures d'hygiène : solution hydro alcoolique, masques, assainissement de l'air ambiant par des diffuseurs d'huile essentielle et bien sûr en respectant la distanciation sachant que les clients ne rentraient pas.

Une grande partie du personnel (8 personnes) a eu très peur et a refusé de reprendre le travail ; nous nous sommes arrangés pour que les congés soient pris à ce moment. Par ailleurs,  le chiffre d'affaire a baissé d'au moins 80%. Pour garder le contact avec nos lecteurs, nous avons utilisé la communication sur Facebook et Whats App et avons réactualisé notre site en le relookant et en l'améliorant.

Progressivement, des autorisations ont été accordées pour la reprise des différentes activités; pour les librairies officiellement la date était le 26 mai 2020. Nous avons alors communiqué via les réseaux sociaux ou par des petites affiches sur la porte pour repredre un rythme normal.

A Agadir, il y a eu moins de cas qu'à Marrakech, Rabat et Casa, j'espère juste qu'avec le déconfinement, il n'y aura pas une recontamination. Notre clientèle nous a renforcé sa confiance et sa fidélité. Certains nous ont remerciés d'avoir pris le risque d'ouvrir. Les fournisseurs ont été aux abonnés absents, ils reprennent timidement.Tout le monde a vécu à sa manière cette pandémie, et je ne peux en vouloir à personne ......

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photo confinement A Voahirana  Par Voahirana Ramalanjaona

En temps de confinement : une adaptation à la crise par des mesures internes à la librairie
Aucune mesure n’a été prise pour les librairies à Madagascar. Nous avons par conséquent fermé la librairie pendant le confinement total. La circulation était interdite pour tout le monde et les mesures imposées : fermeture de tous les commerces mais interdiction aux patrons de faire du chômage partiel ou technique. Le personnel était donc en congés mais a touché un salaire plein jusqu’au 8 mai car le chômage partiel a été décrété à partir du 9 mai. On mesure ainsi à quel point l’impact économique sur la librairie est catastrophique, et à quel point il en va de la survie de la librairie.

Des initiatives prises au sein du groupement de femmes entrepreneuses
Le secteur de la culture n’étant pas important aux yeux du gouvernement, je me suis rapprochée du groupement des femmes entrepreneures qui a adressé de nombreuses doléances aux bailleurs de fond comme à l’ensemble des banques. Ainsi, nous avons obtenu le report des échéances bancaires. Nous attendons la réponse des bailleurs de fond quant à leur participation aux charges patronales.

Un déconfinement sous haute surveillance
Le déconfinement partiel a commencé le lundi 4 mai dernier avec une autorisation d’ouverture en matinée. Le couvre-feu est maintenu de 21h à 5h du matin. Le port du masque est obligatoire pour tous et les transports en commun fonctionnent jusqu’à 15h. Les horaires d’ouverture de la librairie ont été fixées de 8h30 à 13h. Deux masques en tissu ont été distribués à chaque membre du personnel qui doit s’enduire de gel hydro alcoolique à l’arrivée comme après chaque contact avec un client. Une annonce est affichée à l’entrée de la librairie demandant à chaque client d’entrer avec un masque et de se laver avec le gel obligatoirement. La femme de ménage nettoie les poignées de porte et les rampes d’escalier après chaque passage d’un client et un diffuseur d’huile essentielle de ravintsara est disposé au comptoir caisse.
La communication de l’ouverture s’est faite essentiellement sur facebook et par email aux clients fidèles, cependant aucune commande n’est possible dans la mesure où le transport aérien est à l’arrêt. La principale crainte est le fait que les clients touchent les livres, mais nous ne pouvons pas vendre sans permettre aux clients de chercher parmi les rayons car nous n’avons pas de nouveautés.

Les leçons de cette crise sont nombreuses
La plus grande surprise est de constater que la clientèle est changeante en période de crise, la priorité n’est pas à l’achat de livres et nous n’avons pas eu la solidarité que nous attendions.
Les relations avec les fournisseurs sont très disparates, ils ne réagissent pas de la même manière. Quant aux administrations publiques et privées, cette crise fut l’occasion de mesurer la mauvaise foi des institutionnels et des banques : le critère politique prime sur l’humain. Nous remercions certes l’aide du CNL pour l’aide apportée à la librairie mais j’aurais souhaité que cette démarche vienne aussi des institutions culturelles et scolaires françaises locales...
Cette crise a rappelé brutalement combien l’économie d’une librairie est fragile car on se cachait souvent les yeux au profit de la passion. Il fut très difficile de demander de l’aide sans avoir l’impression de mendier et c’est vraiment humiliant de devoir justifier les besoins tellement la situation est irréelle. Comme quoi, la passion ne suffit pas face au règne de l’argent ...

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Par Ngartara NGARYENGUE, directeur de la librairie la Source

A Marius

Un service minimum dans un contexte de grave crise financière

Au Tchad, aucune mesure n’a été prise si ce n’est la suspension de contrôle des impôts. Mais nous avons décidé de fermer la librairie suite aux communiqués du ministre d’Etat suspendant tous les commerces depuis le 23 mars 2020 jusqu’à nouvel ordre et n’autorisant que l’ouverture des pharmacies et commerces d’alimentation.

Nous avons fermé durant 2 mois en travaillant de la maison mais j’ai instauré un service minimum à l’intérieur qui permet de maintenir la librairie opérationnelle et faire quelques recettes, cela rassure les fournisseurs. Un agent de sécurité surveille l’entrée pour vérifier que les gestes barrières sont respectés : lavage de main au savon et port de masque avant d’être autorisés à entrer.

La librairie la Source n’arrive pas à payer le salaire du mois d’avril de son personnel qui est de 1985,74€ mensuel. Les autres mois sont donc très liés à d’éventuelles aides ou à une possible réouverture. En effet, si une aide substantielle d’urgence de 30.000€ ne vient pas soulager nos dettes, on perdra la garantie COFACE et craignons un dépôt de bilan. D’autant qu’aucun fond n’a été mis à notre disposition localement. Pour la petite histoire, notre véhicule de livraison a été arrêté par la police qui nous a contraints à payer une amende forfaitaire de 150 € avant d’être libéré.

Un déconfinement partiel lancé le 25 mai mais une angoisse permanente

Le lundi 25 mai, le gouvernement a décidé d'un  deconfinement partiel. Les écoles sont toujours fermées et le couvre-feu est reconduit pour 2 semaines. Ce qui n'arrange pas trop les affaires car notre activité est liée aux écoles. Depuis le 15 que nous avons rouvert et les visites se font timidement. D’autant que récemment encore le taux des contaminés augmentait. Il faut admettre que la tension est palpable chez les clients …Si le covid19 peut se transmettre à travers le papier, le toucher etc. Tout le monde a peur ! Les visites se sont de plus en plus rares. On parle de plus en plus d’un enseignement à distance et on se questionne sur la place qu’occupera le livre dans les jours ou années à venir.

Les fournisseurs ne cessent de nous relancer. Tous nous demandent de faire un effort mais sans vente, il est difficile de faire plus d’efforts que ce que nous faisons…Quant aux institutionnels, à part le CNL qui a pris l’initiative d’aider les libraires francophones et nous les en remercions chaleureusement car cela va nous permettre de payer une partie des arriérés, notre encours en fin avril était de 56.692€. Je voudrais écrire à tous les partenaires pour leur informer de la situation de la librairie la Source. 

Aux bonnes volontés de nous venir en aide.

 

Lien vers le portrait de la librairie

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