Association Internationale des Libraires Francophones

Librairie Las Mil y Una Hojas, Buenos Aires, Argentine

 Monica juin 20 2 Monica juin 20

Par Mónica Freyre

Un des confinements le plus long du monde …entamé le 19 mars et prévu jusqu’au 28 juin

Nous avons fermé totalement la librairie à partir du vendredi 19 mars 2020 car tout le pays se trouvait confiné, sauf les personnes exerçant des métiers de première nécessité. Ensuite, nous avons pu mettre en place un système de vente par internet, avec un système de livraison à domicile ou de retrait des colis sur place en respectant la distanciation sociale (pas plus de deux personnes en librairie).

Une angoisse palpable rendant difficile les conditions de travail

Quand nous avons eu le choix de travailler avec le système de livraison, nous avons décidé d´ouvrir. Il fallait faire face à un avenir incertain, mais aussi à une réalité économique et sociale concrète. Il fallait résister sans perdre de vu notre âme : continuer à diffuser la littérature et la culture. La situation n´a pas été facile, car il y avait beaucoup d’inquiétude et une grande détermination pour venir travailler sur place, je dirai même que la méfiance et l´anxiété se sont installées au sein de l’équipe. D´ailleurs, un jeune libraire n´est plus retourné à son poste de travail. Nous prenons la désinfection de notre librairie très au sérieux.

Mais des ressources pour mettre au point une présence virtuelle via tous les réseaux sociaux, le site

Nos trois enfants, depuis toujours concernés ​par nos projets, ont mis en avant la nécessité de continuer à « exister » sous un nouveau format « virtuel ». Nous avons mis toute notre énergie « familiale » pour mettre au point le site web de la librairie et développer la communication avec les clients à travers les réseaux sociaux, des newsletters et le site on-line. Avec enthousiasme, nous nous sommes lancés dans cette nouvelle aventure.

Un contexte préoccupant d’un point de vue social

Au sein de la ville, des « Sans domicile fixe » prennent place, les lits s´étalent…pas loin de la librairie. L´alliance française est fermée or le public de l´Alliance est notre public. On s´interroge : reviendrons-nous assez vite à la normalité  même si pour ce qui nous concerne, une aide de l’état prend en charge 50 % des salaires du mois de mai et juin ?

Un dé confinement focalisé et sélectif alors que nous sommes pétris de questions sur notre avenir                                    

Les cas de Covid 19 augmentent tous les jours, il y a un changement de stratégie, des nouvelles mesures dictées par le gouvernement, on va doucement vers un déconfinement focalisé et sélectif. Mais plusieurs craintes s’installent, d´abord une sensation que le monde ne sera plus le même. Et puis, même supposant un autre monde, plus de questions que de certitudes : allons-nous retrouver le quotidien connu au sein de notre fonction ? Nous, libraires, sommes habitués à manipuler les livres, animer les vitrines, conseiller nos lecteurs, accueillir des auteurs et faire des projets en présentiel. Allons-nous basculer vers le virtuel sans retour ? Quels seront les enjeux économiques à venir ? etc.

Mais nous continuons notre mission de passeurs de textes et d’animateur culturel

Notre dynamisme au sein de la librairie avec l’équipe nous a encouragés à aller vers une sortie de crise. Il était nécessaire de continuer à jouer le rôle d’éclaireur, de « passeurs de textes », dans cette période anxiogène d’enfermement, l’essentiel était de garder le contact avec le public, d´interagir ensemble de manière vivante sur l’espace virtuel. Nous avons, par exemple, associé pour des concours littéraires, l´éditeur Riverside qui a participé au prix, avons lancé une activité créative autour de la phrase : « Du plus loin que je me souvienne… » pour nos lecteurs qui a réuni une centaine de personnes.

 
 
 

Lien vers le portrait de la librairie

 

La peste de Camus, un livre phare….

« Le 20 mars 2020, la Cour de cassation pénale de Buenos Aires a rendu un arrêt relatif à l’utilisation de téléphones portables par les prisonniers des unités pénitentiaires. Il n'est pas étonnant qu'en cette période, Albert Camus trouve sa place au sein même des juridictions chargées de rendre la justice. En effet, le juge en question a fini sa décision, en soulignant que « compte tenu de la gravité des circonstances que nous avons à vivre, nous devons aller jusqu’à l’extrême de notre sens l’humanité pour au moins essayer de ne pas faire partie de l’univers décrit par Albert Camus, selon lequel : Le pire de la peste n’est pas qu’elle tue des corps, mais qu’elle dépouille les âmes, et ce spectacle est généralement horrifiant ».