C'est sur le stand de la librairie de notre confrère Habib Zoghbi, librairie ét éditeur, que l'ouvrage Le Frankenstein tunisien présenté comme un essai politique sur l'élection de Kaïs Saïed et son mandat a été saisi le 28 avril 2023, en marge de l'inauguration de la Foire internationale du livre par le président tunisien.
« Des agents de sécurité du ministère de la Culture ont confisqué le livre et fermé notre stand après la visite de Saied », a dénoncé Habib Zoghbi, fondateur et gérant de la maison Dar El-Kitab et de la librairie La Maison du Livre, auprès de l'AFP.
Une centaine d'exemplaires se trouvaient en vente sur son stand : 80 auraient été vendus, et la vingtaine d'exemplaires restants saisie par le ministère.
Dans cet essai, l'auteur Kamel Riahi compare le chef d'État à la créature de Frankenstein. Prétexte à cette saisie et censure déguisée, le fait que l'ouvrage ne figurait pas parmi la liste initiale soumise aux organisateurs de la Foire. Soulignons qu'aucun ouvrage publié après 2018 n'est autorisé à la foire du livre du Tunis évitant ainsi d'exposer des ouvrages critiques au pouvoir en raison de la dérive autoritaire du président Kaïs Saied.
Egalement surnommé « Monsieur Propre » ou « Robocop » en Tunisie, le président Kais Saied est en effet aujourd’hui accusé d’entraîner son pays très loin des espoirs du printemps arabe analysait le journal Le Monde il y a peu.
Un autre essai intitulé Kaïs Saïed 1er, président d’un bateau ivre de Nizar Bahloul (Maison tunisienne du livre) avait également été retiré des stands du salon du livre de Tunis.
En soutien à Habib Zoghbi plusieurs éditeurs et libraires avaient également fermé leur stand. Les deux ouvrages visés sont à nouveau en vente suite à l'importante levée de boucliers qu'a suscitée leur saisie.
C'est le 8 août dernier que la librairie Latitudes de Budapest annonçait la triste nouvelle du décès de Flora Dubosc, fondatrice de la librairie Latitudes à Budapest.
L'AILF renouvelle ses condoléances à toute l'équipe de la librairie, à sa famille et à ses amis. Nous publions ci-dessous la lettre d'hommage de l'équipe de la librairie.
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Flora Dubosc a fondé la librairie avec sa soeur Camille. Quand celle-ci est rentrée en France, il y a quinze ans, Flora a pris la direction.
Elle est née a Oxford, d’une mère hongroise et d’un père français, elle a passé son enfance et sa jeunesse en France. Elle parlait français, hongrois, anglais et russe. Propriétaire-gérante de la librairie, elle était aussi consultante auprès d’universités françaises et de la Commission européenne dans le cadre du programme Erasmus+. Néanmoins, ses dix dernières années, elle les a consacrées presqu’uniquement à la librairie.
Elle a bâti ce bastion de la culture française à Budapest avec une puissance de travail immense. Latitudes est la seule librairie en Hongrie à bénéficier de l’agrément « librairie francophone de référence » qui est attribué par le Centre National du Livre, aux librairies indépendantes qui présentent une « offre large et significative d’ouvrages en français », qui «disposent d’une équipe francophone compétente », qui « assurent des prestations commerciales de qualité en offrant à leurs clients des services d’information et de conseil » et qui « pratiquent des prix de vente équitables et adaptés au marché ». Nous étions fiers de tout ce que représente cet agrément et nous le devons au travail de Flora.
À la librairie, Flora était en charge de l’administration et des finances, de la coordination des animations et de la communication et de la validation des commandes. Elle a fait fonctionner notre site web, a fait des plannings, des calculs, des projets. Elle était infiniment loyale et protectrice avec ses employés.
Elle est partie en paix, le 4 août.
Flora ! Nous sommes toujours sous le choc de ta disparition soudaine et complètement inattendue. Au cours des années nous avons déjà eu à plusieurs reprises des difficultés pour maintenir cette librairie en activité. Cela va être difficile de continuer sans toi, mais nous allons tout faire pour poursuivre en conservant l’énergie incroyable que tu as investie dans ce magasin. Merci pour tout ! Repose en paix !
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Flora Dubosc tizenöt évvel ezelőtt érkezett Budapestre, hogy testvérének segítsen a könyvesbolt ügyeinek intézésében. Amikor Camille visszatért Franciaországba, ő vette át a bolt irányítását.
Oxfordban született, édesanyja magyar, édesapja francia, gyerek- és fiatalkorát Franciaországban töltötte. Beszélt franciául, magyarul, angolul és oroszul. A könyvesbolt mellett megtartott egy tanácsadói állást is az Erasmus+ program keretében franciaországi egyetemeken és az Európai Bizottságnál. Elmúlt tíz évét mégis, szinte kizárólag a könyvesboltnak szentelte.
Hatalmas munkabírással és elszántsággal építette a bástyát, amelyet Budapesten mindannyian a francia kultúra jelentős helyszínének gondolunk. A francia államtól elnyertük a „szakmailag kiváló, független francia könyvesbolt” minősítést, melynek minden egyes szavára együtt voltunk büszkék. Flora pályázatokat írt, hogy francia szerzőket hozhassunk a boltba, hogy szélesíthessük a kínálatunkat, intézte a bolt pénzügyeit, működtette a web áruházunkat, adminisztrált, harcolt a szállítókkal és dolgozott az összes francia partnerünkkel. Levelezett, számolt, tervezett. Az alkalmazottjaival végtelenül felelősségteljes és védelmező volt.
Augusztus 4-én, békében távozott.
Flora! Ha valami, ez elképzelhetetlen volt! Sajnáljuk, hogy nem volt alkalmad megpihenni, az utolsó percig dolgoztál. Mi most nem tehetünk mást, mint hogy nem hagyjuk veszni ezt a rengeteg befektetett energiát. Sokszor volt már, hogy nehezen tudtuk együtt nyitva tartani a könyvesbolt ajtaját. Most lesz a legnehezebb. Mindent köszönünk! Nyugodj békében!
C'était la rentrée du livre jeunesse ce 27 octobre 2021 au Centre culturel franco-nigérien Jean Rouch de Niamey avec la présentation de l'ouvrage "1001 activités autour du livre" par la librairie La Farandole des livres et les éditions Gashingo, toutes deux co-éditrices au Niger.
Rappelons que "1001 activités autour du livre" est une coédition solidaire qui a reçu le label "le livre équitable" attribué à des ouvrages édités dans le cadre d'accords internationaux respectueux des spécificités de chacun.
Ce projet avait vu le jour lors d’un à l’atelier à Abidjan pendant le SILA (Salon internationale du livre d’Abidjan du 13 au 17 mai 2019) auquel Binta Tini libraire jeunesse qui dirige la Farandole des livres, avait été invitée en tant que représentante de l’AILF, dont elle est aujourd'hui administratrice.
Initialement édité par Casterman, l'ouvrage a été adapté avec le concours de l'auteur Philippe Brasseur afin de prendre en considération la diversité des populations, l’environnement et le contexte africains auquel il était destiné pour cette coédition solidaire.
Cet ouvrage s'avère un outil précieux pour les professionnels de l’éducation enfantine et pour les parents attentifs qui ont le souci de faire de la lecture un moment de plaisir et de joie partagée avec les enfants.
"Le but de l'ouvrage n’est pas d’apprendre à lire mais de donner la passion du livre et de la lecture aux enfants de 2 à 11 ans et bien au-delà. Comment ? Tout simplement, en jouant, en dessinant, en inventant, en parlant, en mimant, tout cela grâce aux livres : en effet cet ouvrage de terrain et d’expérience, ludique et original, donne envie de dévorer tous les autres !"
Ce projet porté par l’Alliance internationale des éditeurs indépendants a cédé aux coéditeurs les droits d’exploitation de l’œuvre de Philippe Brasseur. Aux côtés des Editions Gashingo de de la librairie La Farandole des Livres ce sont 8 autres éditeurs qui se sont associés pour cette coédition : : AGO (Togo) - Atelier des Nomades (Ile Maurice) , BAKAME (Rwanda) - Elondja (République Démocratique du Congo) - Ganndal (Guinée) -Jeunes Malgaches (Madagascar) - Ntsame (Gabon)- Ruisseaux d’Afrique (Bénin) -Valesse (Côte d’ivoire), coordonnées par Corinne Fleury (Atelier des Nomades).
" Il nous a paru essentiel de l’adapter et nous l’avons adapté pour nos différentes cultures, Une adaptation légère du livre afin de prendre en considération la diversité des populations ; l’environnement et le contexte africains" ajoute Binta Tini. Et de préciser encore : " Cette adaptation est passée par une modification de certaines illustrations , une adaption du texte et des exemples choisis parfois; une mise à jour des pages annexes pour intégrer les informations liées aux pays dans lesquels il est distribué mais en conservant l’harmonie de l’ouvrage, ce qui est aussi apparu comme un point essentiel."
Grâce à une subvention obtenue du Centre National du livre (France), l’Alliance internationale des éditeurs indépendants a ainsi pris en charge une partie des frais relatifs à la coédition ce qui ipermet de le vendre au Niger au prix modique de 5 000F CFA.
Le public naturel de cet ouvrage de médiation à la lecture, plein d'idées créatives et ludiques et faciles à mettre en oeuvre est destiné aux bibliothèques, CLAC, écoles, associations et ONG pour la promotion de la lecture et activistes du livre ainsi qu'aux Clubs de lecture, associations de parents d’élèves, Institut français, Ministère de l’éducation, Ministère de la culture.
" Donner le goût de la lecture aux enfants : voilà ce qui me motive, voilà ce qui nous motive tous, nous qui sommes présents aujourd’hui au centre culturel franco-nigérien Jean Rouch de Niamey. " a insisté Binta Tini.
Au cours de la présentation de l'ouvrage ce 27 octobre 2021 dans le cadre de la rentrée du livre jeunesse, Binta Tini a tenu à remercier en son nom propre et au nom de Bako Balam des Editions Gashingo, tous les partenaires du projet : le CNL, l'Alliance Internationale des éditeurs indépendants, l' AILF, et le centre culturel franco-nigérien Jean ROUCH, tout particulièrement sa médiathécaire Mannaig.
Propos recueillis ce 27 octobre 2021
Frère Didier Berenger AKONWOUNKPAN, prêtre de l’Ordre des Prêcheurs (Dominicains) en mission dans l’Archidiocèse de Dakar au Sénégal depuis le 15 septembre 2014 a pris en charge la direction de la librairie papeterie Clairafrique à la fin d’année 2017.
A l'occasion des 70 ans de la librairie célébrés en 2021, l'AIL Fa recueilli ses propos pour faire connaître l'identité de cette librairie et souligner l'importance que joue cette librairie dans le paysage dakarois depuis sa création.
La librairie Clair Afrique fête ses 70 ans en 2021 : elle est donc à peine plus âgée que le Sénégal indépendant ..
La librairie papeterie Clairafrique (ex bibliothèque) a ouvert ses portes en avril 1951 en une période où la ville de Dakar grandissait et se dotait d’une université. A cette époque, elle voulait répondre aux besoins intellectuels et spirituels croissants de la population autochtone et expatriée ; il s'agissait de mettre à disposition de toute la population des livres de toutes disciplines. Elle s’adaptait aux besoins et se développait au rythme des différents changements de la société : le besoin de connaître l’Autre, de s’informer sur les problématiques de l’Afrique et la démocratisation de l’éducation. Elle accompagnait les clients dans leur recherche. Clairafrique est un peu plus âgée que le Sénégal indépendant.
A ses débuts, la librairie Clairafrique a créé la revue Afrique Documents qui a permis à de nombreux écrivains de s’exprimer. Avant la création des premières bibliothèques publiques dakaroises, la librairie avait mis en place un système de prêts afin de favoriser l’accès aux livres. Face au manque de certains ouvrages, les Éditions Clairafrique ont publié des ouvrages dans des domaines variés : législation, histoire, art, botanique, géographie, guide de vie pratique, etc.
Est-ce qu’à Dakar et au Sénégal, l'identité de la librairie est encore marquée par l'époque de sa création en 1951 (en réponse aux "besoins intellectuels et spirituels croissants de la population autochtone et expatriée"***) et de quelle manière l'époque de sa création "infuse-t-elle" encore dans son identité pour reprendre les termes de la notice qui figure sur le site de l'AILF.
Clairafrique poursuit sa mission d’ancrage intellectuel. Les réalités ayant changé, il faut s’adapter aux mutations politiques, culturelles et sociologiques. Clairafrique met toujours à la disposition de tous les outils indispensables à la croissance culturelle. Certes, la population n’a plus les mêmes motivations qu’avant mais cela n’empêche pas de proposer le service et d’accompagner.
Pouvez-vous nous présenter les deux points de vente de la librairie ? Qui sont les clients de la librairie Clairafrique aujourd'hui ?
Les deux points de vente dont disposent la librairie actuellement sont dans la ville de Dakar. Le premier point de vente, le plus ancien, fondé en 1951 est celui qui a connu les débuts de la librairie. Il se situe en ville non loin de la place de l’Indépendance, ce qui donne le nom au point de vente ‘’point de vente Indépendance’’. C’est le point de vente le plus connu malgré sa superficie réduite. Il est composé d’un rez-de-chaussée avec deux mezzanines qui accueillent les livres aux programmes et les livres universitaires.
Le second point de vente aussi hérite son nom de sa situation géographique : ‘’Clairafrique université’’. Elle est implantée à l’entrée de l’Université Cheikh Anta Diop, dans le prolongement du couloir ‘’de la mort’’. Il a été créé en 2004 dans le souci de mieux se rapprocher de l’intelligentsia du pays. Ce site accueille la direction générale. Les deux points de vente ont presque les mêmes articles en ventes. Les clients de Clairafrique sont divers, chacun selon ses besoins : les écoles, les institutions, les ONG et les particuliers.
La librairie Papeterie Clairafrique est devenue 2019 Clairafrique Sénégal SA avec un capital de 100.000.000 f. Elle peut de ce fait diversifier ses activités. Le personnel permanent est de vingt-deux agents dirigés par un directeur général assisté par les services rattachés à la direction et les responsables des deux points de vente. Étant une SA, Clairafrique est dotée d’un Conseil d’Administration à qui le directeur rend compte annuellement et d’un Commissaire aux Comptes qui certifie annuellement les États Financiers à la fin de chaque exercice.
En tant que librairie générale, Clairafrique essaie de répondre aux besoins de ses lecteurs et travaille étroitement avec les acteurs de la chaîne du livre. Elle offre ainsi à sa clientèle des produits bureautiques, de papeterie, de fournitures scolaires, des ouvrages de toutes autres catégories, du matériel informatique, ... Elle permet également aux auteurs et distributeurs de livres de promouvoir et d’écouler leurs œuvres sur le marché national.
Clairafrique est membre permanente de l’Association Internationale des Libraires Francophones. Clairafrique est agréée par le Centre National du Livre de Paris qui l’a déclaré librairie francophone de référence en 2019. La librairie bénéficie d’une Garantie COFACE pour la couverture des crédits fournisseurs.
On imagine que la présence tutélaire d'écrivains sénégalais de l'envergure de Léopold Sedar Senghor ou Cheikh Anta Diop est encore très forte sur les tables de vos librairies ?
Oui, nous poursuivons la promotion des œuvres des auteurs sénégalais et africains surtout ceux qui sont au programme car le malheureux constat est que les élèves et étudiants ne lisent que les œuvres au programme. La curiosité littéraire a perdu son ampleur.
En France et ailleurs dans le monde, on connaît des écrivains tels que Fatou Diome ou Marie N'Diaye, publiées chez des éditeurs français, sont-elles connues et lues ? Marouba Fall, Sembène Ousame, Aminata Sow Fall.
Oui, presque tous ces auteurs sont au Sénégal. Seuls ceux dont les œuvres sont au programme, sont vendus et lus car les élèves et étudiants sont obligés de les avoir pour des travaux pratiques en classe.
La librairie Clairafrique a participé à plusieurs Caravanes du livre - ces opérations menées par des libraires avec l'AILF pour aller à la rencontre du jeune public dans l'intérieur où le livre circule moins facilement : pouvez-vous évoquer Ces caravanes et l'impact qu'elle sont eu ?
Les caravanes ont toujours été les bienvenues surtout pour les timides et les hésitants. Les caravanes boostent les ventes mais juste pour un bout de temps. Certes, elles constituent un facteur de communication (publicité) entre tous les acteurs de la chaine du livre mais ne suffisent pas. Le travail doit se poursuivre surtout APRES CARAVANE. Clairafrique a tenu sa dernière caravane en 2016 : c’était la 11ème édition.
Avec la Caravane, les clients ont plus de facilités à s’acheter les ouvrages à cause des promotions qui sont faites (livres à coût réduit) grâce à l’aide du Centre National du Livre et des sponsors. Les caravanes sont aussi des moments de rencontres entre les auteurs, les libraires, les clients et tout autre acteur de la chaine du livre. Il s’agit également des moments où la parole est donnée aux jeunes pour les entendre et s’imprégner de leur niveau de culture littéraire. Avec l’avènement des Nouvelles Techniques de l’Information et de la Communication, la caravane est à mieux repenser pour vraiment intéresser le public ciblé.
Quells sont/seront les temps forts de ce 70 ème anniversaire ?
La réhabitation du point de vente indépendance grâce à l’aide (subvention) du Centre National du Livre permet de donner un nouveau visage à ce point de vente dont l’aspect extérieur n’attirait plus de clientèle. Ce point de vente remis à neuf captera surement l’attention de la clientèle, suscitera la curiosité, dira de façon explicite la nouvelle politique de Clairafrique : le client doit se sentir chez lui en entrant à Clairafrique. Cette rénovation permet de dire en acte que la librairie est en marche, qu’elle accorde une place spéciale au client qui sera toujours le bienvenu.
La seconde activité est la première édition de concours de dictée et de lecture organisée en avril 2021, mois anniversaire de la librairie. Ce concours a connu la participation de cinq (5) établissements privés catholiques (à cause du contexte de la pandémie). Après une phase de sélection en guise de demi-finale dans chaque école ayant répondu à notre appel, la phase de la finale a été organisée à la Maison de la Culture Douta Seck à Dakar. La particularité de cet évènement est que tous les récipiendaires ayant participé à la finale ont reçu un lot de consolation : tout le monde gagne même s’il y a eu les plus méritants. Cette activité vise à promouvoir la culture de la lecture, la culture de la fréquentation des bibliothèques et des librairies. Pour une bonne réussite, certains enseignants des établissements que fréquentent les candidats ont été associés (comme membre du jury par exemple).
Le troisième fait marquant est la relance en mai 2021, du site internet de la librairie avec cette fois la possibilité d’achat en ligne.
La quatrième activité est la vente-promotion organisée durant les mois de mai-juin. L’objectif est de toujours dire aux clients que rien ne peut remplacer le livre. Les remises sur certains livres parascolaires pour motiver et encourager le contact avec les auteurs à travers leurs écrits.
Comment Clairafrique a-t-elle traversé la pandémie ? La reprise de l'activité se fait-elle sentir ?
A Clairafrique, nous avons vécu cette période comme un temps d’épreuve. Cette pandémie a été également pour nous un temps de réflexion, de remise en cause, un temps d’évaluation de la stratégie. Plus qu’un temps d’épreuve, elle a été pour Clairafrique un temps de preuve : prouver aux clients que nous sommes à leur écoute. Cependant, les conséquences sont toujours là et nous poursuivent, nous freinent et nous dit notre finitude. Face à certaines situations, il faut apprendre à avoir de la hauteur.
Cette pandémie a aussi suscité en nous des questions. Nous avons connu des journées mortes : points de vents déserts. Loin de nous détruire, cette pandémie nous instruit et n’a pas encore dit son dernier mot : rentrée des classes incertaines, indisponibilité des listes de fourniture scolaire, simulation de transport, procédure administrative plus rigoureuse et contrayante, lenteur dans le traitement des commandes, …
Quelles sont les perspectives pour 2021 ?
Les perspectives sont : la vente en ligne, la vente du livre numérique, renouer avec les activités hors les murs : caravane ; concours de dictée, de lecture, de slam, d’éloquence ; construire une salle pour les cérémonies de dédicace, les conférences-débats, … (si Coronavirus nous y autorise !).
Propos recueillis en juillet 2021
« Chaque jour qui arrive est un combat de plus qu’il faut mener pour ne pas sombrer dans le désespoir »
« Le plus dur ce sont les pertes humaines et le désastre humanitaire. L’explosion du 4 août dernier nous a littéralement secoués tant le nombre de morts, disparus, blessés et sans-abris est considérable. C'est une vraie tragédie ! » Christiane Choueiri, directrice générale de la librairie la Phénicie évoque avec émotion cette catastrophe qui a plongé le Liban, déjà affaibli par une grave crise économique et politique, dans le désarroi total. « Mon lieu d'habitation a été saccagé, mes vitres ont implosé, les fenêtres ont perdu même leurs châssis, les portes sont sorties de leurs gonds, la quasi-totalité des pièces est dévastée. Dans la librairie, située à quelques kilomètres du port, toutes les vitres ont été cassées, d’énormes débris ont ravagé mon bureau et ont atterri au pied de ma chaise…prouvant la violence du choc. » Heureusement, les employés avaient quitté la librairie au moment où s’est produite l’explosion et elle-même, habituée à rester de longues heures au bureau, avait dû exceptionnellement partir un plus tôt ce jour-là.
Le quartier de Sin el Fil / Horsh Tabet où se situe la librairie La Phénicie n’est qu’à quelques kilomètres du port. Comme Christiane le dépeint si bien dans le témoignage qu’elle nous livre pour présenter sa librairie, ce qui est le plus éprouvant c’est l’impression qu’un pan d’une histoire collective et familiale s’envole en si peu de temps... La librairie, créée en 1968 par Adib Choueiri, bibliophile et francophile, est alors amateur d’alphabet phénicien. Il transmet cette passion à ses filles, Christiane et Maria. Il s'est très vite lancé dans l'importation de livres français mais s’est aussi investi dans l'édition locale notamment scolaire et a même traduit des classiques comme Martine et sera, près de 15 ans plus tard décoré des palmes académiques par François Mitterrand en 1982». Maria, sa sœur, déléguée pédagogique de Nathan, Retz et Belin a développé le volet pédagogique et scolaire à la librairie. Christiane la reprend en 2015 après avoir réalisé depuis 1995 la mise en page de certains des ouvrages de la Phénicie. Réalisatrice de formation, elle déploie l’identité de la librairie spécialisée en jeunesse, scolaire, parascolaire et pédagogique tout en développant un petit fond en littérature, sciences humaines au point qu’elle compte aujourd’hui une dizaine d’employés.
La Phénicie conserve son activité avec dynamisme, elle se démarque comme importatrice, libraire, promotrice et définit son choix d’être distributrice de livres français, arabes et bilingue. “Face à la demande grandissante, j’ai voulu étendre le secteur éditorial francophone de ma librairie, en créant une ouverture vers le monde arabe et africain et en introduisant en exclusivité de nouveaux éditeurs du Maroc, de la Jordanie et des Emirats arabes Unis comme Yanbow Al Kitab, Tiara éditions, Dar Al Salwa, Dar Al Yasmine, KALIMAT, Bright Fingers ». Selon elle, « cette expansion ne peut que passer inévitablement par la France, foyer des grandes maisons d’édition comme Nathan Matériel Educatif, les abonnements- livres de l’Ecole des loisirs et Tom’ Poche». Après 5 années d’investissement soutenu, La Phénicie devient second importateur libanais après la chaîne de librairie Antoine qui disposait de 15 points de vente.
« En 2019, le CA de la librairie avait atteint son apogée. Tout s’est écroulé après»
Cette prospérité s’accompagnait d’un véritable climat de confiance « Quand on bâtit un empire, le nôtre, on se sent en sécurité, cette sécurité conférée par la stabilité de l’entreprise, par le chiffre des affaires et par le bonheur des employés et la satisfaction des clients. » Les crises successives ont eu raison de cette embellie. Christiane Choueiri évoque d’abord les manifestations populaires ‘’ la Thawra’’, les routes coupées, barrées au quotidien par des pneus enflammés, le blocage des comptes en dollars et en euros dans les banques, la pénurie de monnaie étrangère, l’inflation liée à l’effondrement de la livre libanaise, la corruption, la crise sanitaire de la COVID-19 / le confinement et le reconfinement. Et cette liste est loin d’être exhaustive comme elle le souligne d’elle-même… « La déflagration a désormais creusé une ligne de démarcation. Si les Libanais sont des combattants reconnus par leur résilience, cette tragédie a créé un flottement et une douleur qu’il faut apprendre encore une fois à surmonter ».
Un vrai casse-tête financier
Pour Christiane, la gageure principale est de trouver des liquidités dans un contexte où il faut faire de longues files d’attente devant les banques pour retirer des sommes modiques, variant entre 100 et 300 $ en espèces, selon les décisions de la banque centrale. Le dollar se raréfie et la banque gèle l’argent. Sans compter l’obligation de régler l’ancien stock à la Centrale et aux fournisseurs français par virement en devises quand on sait que 1 euro équivaut approximativement à 8000/9000 livres libanaises au marché noir alors qu’il était à 1800, puis 4000 livres libanaises en août 2019. Consciente toutefois des aides qui lui ont été accordées, « la Centrale de l'Edition a tout centralisé pour nous faciliter la tâche car nous avions de grosses sommes à régler. La Coface a couvert une partie et les fournisseurs distributeurs ont offert une réduction. Nous avons également un moratoire sur 3 ans. L’aide du Centre National du Livre en France a été salutaire certes, mais c’est très vite parti. Elle ne peut nier une réalité. « Les pertes sont continuelles du fait des commissions des taux de change. Elles ont dépassé les 56% et ont même atteint 65% de perte sèche.».
« Chaque jour qui arrive est un combat de plus qu’il faut mener pour ne pas sombrer dans le désespoir »
« La crise qui a placé le Liban dans la catégorie des pays sinistrés se préparait déjà depuis de nombreuses années. Nous n’avons plus de gouvernement, le peuple libanais est en mode survie. La venue du Président Macron a permis aux Libanais d’espérer de nouveau mais nous attendons toujours les mesures prometteuses qui pourraient être prises par la suite pour sauver nos entreprises ». Christiane n’est pas la seule à pointer cette situation catastrophique, de nombreux intellectuels ou professionnels sont sceptiques et même ouvertement accusateurs, à l’instar de l’écrivain libanais Charif Majdalani, qui a déclaré que cet argent dans les banques avait été détourné par des membres du gouvernement corrompu.
Si ce peuple est combattant et résilient, l’espoir porté au quotidien ne cache pas leur inquiétude des jours à venir comme le dit si bien Christiane Choueiri. « Je fais de mon mieux pour faire face à une année scolaire en vue, mais je suis incapable de savoir si nous pourrons nous en sortir dans les mois à venir. Les conditions pour avoir des dollars et des euros sont complètement aléatoires, les tractations du marché de change sont précaires. Les soucis d'argent prennent beaucoup de temps et dévorent toute notre énergie : tout ce que l'on fait c'est pour éponger des dettes quotidiennes ».
Pourtant, des acteurs comme Christiane jouent un rôle fondamental pour défendre la langue française et la francophonie dans un pays comme le Liban qui essuie les résultats d’années de corruption et de crises géopolitiques. Et l’héritage familial symbolique parle à travers ses propres mots …“Je lutterai jusqu’au dernier souffle pour combattre cette corruption... pour continuer ma mission de diffuser l’amour dont j’ai hérité de ma famille pour la langue française, pour ne jamais priver les Libanais de lecture et de culture, dans mon beau pays des cèdres. Je ne me laisserai pas abattre, mais cette fois-ci, le combat est déchirant et quand on cherche le pain, la culture devient un luxe très cher à payer. »
Propos recueillis par Anne Lise Schmitt
« Aujourd’hui, il s’agit de ne pas faire faillite et de rester debout »
Rencontre avec Sami Naufal, PDG de la chaîne des librairies Antoine
« La déflagration du 4 août a détruit 25% de la ville », nous confie Sami Naufal, PDG des librairies Antoine, plus importante chaine de librairies trilingues au Liban avec 14 points de vente et plus de 200 employés. « C’est toute la partie historique, commerçante, animée en journée comme en soirée qui a été touchée. Notre librairie phare proche du port, de 900 m², située dans le quartier Beirut Souks et déployée sur 3 étages a été entièrement détruite». Pour l’enseigne historique beyrouthine créée en 1933 par Antoine Naufal son oncle, alors rejoint par ses frères Pierre et Emile, les conséquences sont lourdes. « Les autres librairies Antoine sont partiellement touchées : des devantures ont sauté en éclat, des livres ont été projetés par terre et abimés, des rayonnages se sont écroulés, bref les dégâts sont nombreux. Heureusement nous avons échappé à de graves dommages corporels et nous ne déplorons que quelques blessés. Certains des employés ont été atteints dans leur domicile». Mais ce drame ne fait qu’alimenter la spirale infernale dans laquelle est englouti le Liban.
« Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se demander comment gagner de l’argent mais de rester en vie pour ne pas faire faillite et rester debout »Il est difficile pour lui comme pour les libraires libanais de se projeter dans le futur tant il faut juguler une série d’embuches. A leur niveau, il a fallu réaffecter les employés de la librairie détruite à des services administratifs, de dépôt pour des préparations de commandes et dans d’autres points de vente. Quelques employés (les derniers arrivés) ont dû être licenciés. Mais de manière plus globale, l’enseigne accuse une perte de 50 % du CA notamment depuis la dévaluation de la livre libanaise d’octobre dernier qui a perdu 80% de sa valeur. Le plus préoccupant concerne les conséquences de cette dévaluation sur la population dont le pouvoir d’achat est réduit à néant.
La dévaluation de la livre, les restrictions liées au mois et demi de confinement et la récente déflagration les plonge dans une situation inextricable. Un livre de 20 euros qui se vendait à 40 000 livres avant la dévaluation est vendu à 200 000 livres libanaises. La saison scolaire est attendue car elle représente 50 % dans le chiffre scolaire mais elle est très compromise du fait des contraintes liées au Covid 19, de la destruction de 18 écoles importantes suite à la déflagration et du faible pouvoir d’achat comme l’indique Monsieur Naufal. « Aujourd’hui, cette situation de crise encourage l’usage de livres usagés, la photocopie, les livres scannés. En effet, il devient difficile pour une famille de plusieurs enfants de la classe moyenne de dépenser des milliers de livres libanaises pour acheter des livres scolaires ».
Bien penser les aides avec l’interprofession
Aujourd’hui, la situation est telle qu’il est difficile de critiquer toutes les aides qui pourraient être mises en place. Toutefois, il semble nécessaire de se concerter car certaines mesures sont prises pour le bien collectif mais peuvent déstabiliser l’économie locale. Toujours selon Monsieur Naufal, le 1er septembre 2020 Emmanuel Macron faisait une visite présidentielle et offrait un ensemble d’ouvrages scolaires de terminal. La démarche est généreuse mais c’est dommage que les libraires locaux n’aient pas été associés à ce projet. Leur consultation en tout cas n’a pas été suivie d’effets. C’est probablement par l’avion présidentiel que les ouvrages passeront des éditeurs aux établissements scolaires.
Un point positif est l’obtention par le syndicat des importateurs libanais d’un moratoire des dettes sur 3 ans et d’un abandon de créance de 30% depuis fin février –début mars ce qui représente un bol d’air frais. Reste à régler les 70% dans un contexte où l’achat se fait en livres libanaises à un prix fort. Un lobbying local est en cours. Monsieur Naufal a rencontré dans ce sens le ministre de l’économie pour que l’Etat puisse payer la différence entre la valeur achetée et la valeur vendue du fait de la dévaluation et donc du marché noir qui fait grimper la valeur du change. Il s’agirait de prix subventionnés par l’état contre fourniture de factures. Mais aucun accord à ce jour n’est écrit. Reste à avoir un accord de la banque centrale qui doit indiquer si ce chantier est prioritaire pour elle....
Un renouveau politique pour se relever
« C’est la stabilité au niveau politique et économique et la formation d’un nouveau gouvernement avec des ministres technocrates, experts dans différents domaines détachés des partis spécifiques, des experts en finances, en économie, en culture, en éducation, qui pourraient nous faire avancer » reprend Sami Naufal. « Nous avons, au sein de notre élite au Liban, des personnes tout à fait compétentes. Ceci est la condition sine qua none pour enclencher des aides du FMI, de pays amis qui redoutent le spectre d’une nouvelle guerre civile. C’est aussi pour cela que la diaspora libanaise n’investit plus or celle-ci représente 2 à 3 fois la richesse du Liban. A cela s’ajoute un contexte sous régional tendu lui conférant le statut de région maudite des dieux. La force des armes finit par tout détruire sous le joug d’un régime politique qui n’est pas propice aux affaires. Sans compter le fait que nous avons accueilli 1, 5 millions de syriens sur le sol libanais qui utilisent des ressources libanaises déjà défaillantes».
PDV Achrafieh Photo 2 et 3 : PDV Beirut Souk Photo 4 : Point de vente d'HAZMIEH